Sous le parapluie d’Adélaïde – Romain Puertolas

Thriller

Justice (nom féminin) : pouvoir de faire régner le droit. Mais quand les preuves minces comme du papier à cigarette, le mensonge a vite fait de s’embrasser pour se muer en vérité, que certain estime plus acceptable.

Sous le parapluie d’Adelaïde, Romain Puertolas

Des parapluies bleus à l’exception d’un . Cette couverture m’a immédiatement fait penser à cette scène de Matrix, où l’attention de Néo est détournée par la robe rouge, au milieu des cols blancs, de noir vêtu. Scène où le spectateur se focalise sur la musique et non plus la menace. Scène pivot du milieu de ce film à mes yeux. Tout comme notre attention se focalise sur ce parapluie rouge. Et pourtant.

Ce qui me frappe dans mes dernières lectures, c’est l’association du délicat prénom Rose à la fatalité d’une vie violente et subie. D’un malheur évident. Une antinomie ambiante, entre ce prénom délicat, qui inspire un parfum, une certaine idée de la beauté dénaturée par ce que la vie a de pire, des vices qui tendent vers de capitaux péchés.

La cinglante et sanglante ironie du postulat de départ tient en ce qu’une vie soit ôte le jour de la nativité, celle de Rose, au milieu d’une place jonchées de parapluies. Bienvenue sous le parapluie d’Adelaide, le dernier roman de Romain Puertolas : « Le matin du 25 décembre, alors que le spectacle de Noël bat son plein sur la place de la ville de M, Rose Rivières, une jeune femme, est assassinée au beau milieu de la foule. Le comble est que sur les cinq cents personnes présentes, aucune n’a vu ni entendu quoi que ce soit. Sauf peut-être, cet insolite témoin, abrité sous le parapluie d’Adélaïde… »

Un meurtre. Une photographie noir et blanche comme preuve à conviction. Une foule aveugle au crime sordide effectué. Un témoin qui s’evapore dans la nature. Voici les ingrédients de départ de cette enquête que nous allons vivre, en compagnie d’une jeune avocate prometteuse. Qui peine pourtant à faire ses armes, plus perçue comme une jolie cocotte que comme une enquêtrice de talent. A tort.

Nous sommes dans la France des années 20, où les femmes peinent à trouver leurs places en dehors du rôle de ménagère qui leur incombe de facto. Où les étrangers sont pointés du doigt. Par peur. Par méconnaissance. Où les préjugés et les idées reçues ont la vie dure. Quant à l’intrigue a vous de la découvrir, je ne peux en parler sans en déflorer l’essence.

Sous le parapluie d’Adelaide est un roman puissant qui offre un second éclairage à la lecture du précédent roman de Romain Puertolas, La police des fleurs, des arbres et des forêts , et qui nous fait nous questionner sur la Justice, parfois injuste face à la réelle cruauté.

Belle lecture à vous !

Sous le parapluie d’Adelaïde, de Romain Puertolas est disponible aux éditions Albin Michel

La police des fleurs, des arbres et des forêts – Romain Puertolas

Feel Good, Thriller

Enquête : (nom féminin) Recherche méthodique reposant sur des questions et des témoignages. Quand un policier de Paris va à la rencontre la campagne la plus reculée, cela donne un jeu de piste cocasse et non dénué de charme.

La police des fleurs, des arbres et des forêts, Romain Puertolas

Il y a un je ne sais quoi de gothique dans l’idée que les grandes villes, encore plus les Capitales, soient des endroits mal famés où des crimes sont commis impunément, au sue et au vue de tous. Que les villes soient le berceaux des pires vices et des vanités les plus affirmées.

Il y a un je ne sais quoi de romantique dans l’idée que la campagne soit assimilée à une certaine simplicité, de vie voire d’esprit. Que la police soit la gardienne de la nature plus qu’elle l’est de ses concitoyens, dans cette idée que rien de grave ne puisse se passer.

Il y a un je ne sais quoi de suranné de placé l’action en 1961 et de tourner le récit autour d’une correspondance manuscrite, des lettres échangées avec bon renfort d’annexes, retranscription méthodique des dialogues enregistrées sur bandes.

Il y a un je ne sais quoi d’absurde, pour toutes ces raisons susnommées, qui se dégage de ce roman de Romain Puertolas, j’ai nommé La police des fleurs, des arbres et des forêts. « Durant la canicule de l’été 1961, un officier de police de la grande ville est dépêché à P., petit village perdu dans lequel on vient de faire une macabre découverte : Joël, seize ans, a été retrouvé découpé en morceaux dans une des cuves de l’usine de confiture. L’inspecteur citadin est accueilli par le garde-champêtre, qui tient plus du gendarme de Guignol que de l’adjoint efficace, et se retrouve dans une communauté où les habitants semblent étonnamment peu affectés par le drame. Pour compliquer l’affaire, un orage empêche toute liaison téléphonique, l’autopsie a été pratiquée par le vétérinaire improvisé légiste, et la victime est déjà enterrée.« 

L’été 1961. Ma maman avait quelques mois à peine. Cette information peut sembler anodine et surtout hors sujet. Mais j’aime bien donner du contexte à une date, d’autant plus quand cette époque n’est pas si éloignée de la notre, tout en étant aux antipodes pour les technophiles ultra connectés que nous sommes devenus. Dans ce village retranché, le téléphone est coupé et le seul moyen de communication est l’écrit. L’enquête est ainsi retranscrite sous forme lettre à Madame la Procureur. C’est la forme de ce roman qui fait toute son originalité. Une énigme rondement menée, dont l’on sait dès le début que la fin va nous surprendre. La lecture prend une toute autre saveur : nous voilà entrer dans une partie de Cluedo bien atypique.

Je n’avais lu qu’un roman de Romain Puertolas, l’année dernière, et j’avais été déçue. Me voilà réconciliée avec l’auteur et son univers fantasque et poétique, grâce à La police des fleurs, des arbres et des forêts.

Bonne lecture à vous !

La Police des fleurs, des arbres et des forêts de Romain Puertolas est disponible aux éditions Le Livre de Poche

Les dix petits donuts

Feel Good

Cellule grise : (nom féminin) Cellule cérébrale responsable des influx nerveux. Les cellules grises sont symboliques de la réflexion et leur agitation représente une activité cérébrale saine. Et dieu sait si Hercule Poirot aime en faire usage et le mentionner à propos lors de ces célèbres enquêtes.

Tout un été sans Facebook, Romain Puertolas

Les premières lectures qui m’ont laissées un souvenir impérissable sont celles d’Agatha Christie. S’en sont suivi Charles Exbrayat, Sir Arthur Conan Doyle ou encore Maurice Leblanc.  Les enquêtes policières ont été mon quotidien pendant mes années collèges, je vivais au rythme des vols de bijoux, des meurtres ignominieux et des résolutions toute en jeux de manches. Mais ma préférence est toujours allée au flegme british du plus français des Belges, j’ai nommé Hercule Poirot.

Quel rapport me direz vous entre les réseaux sociaux, tout du moins son absence, et l’oeuvre d’Agatha Christie ? Pas grand chose de prime abord, si ce n’est une héroïne à l’homonyme croustillant, Agatha Crispies, accro aux donuts et à la littérature sous toutes ses coutures, qui doit son patronyme à la célèbre romancière. Mais qui n’a malheureusement pas hérité de l’esprit de déduction aiguisée de ses personnages fétiches : « Mutée disciplinairement à New York, Colorado, un petit village du fin fond de l’Amérique, raciste, sans couverture mobile et où il ne se passe jamais rien, la lieutenant de police de couleur noire, à forte corpulence, Agatha Crispies a trouvé un échappatoire à son désœuvrement dans l’animation d’un club de lecture au sein du commissariat. Mais alors qu’elle désespérait de pouvoir un jour enquêter à nouveau sur un meurtre autre que celui d’un écureuil, une série d’effroyables assassinats et disparitions viennent (enfin) troubler la tranquillité des lieux, mettant à l’épreuve ses connaissances littéraires.« 

Les réseaux sociaux et l’hyper-connectivité rendent fous. Leur absence aussi semble-t-il. Une série de trois meurtres tous plus farfelus que les autres se succèdent près du patelin de New York, qui n’a de sa grande pomme d’homonyme que le nom. Coupé du monde et hors du temps, cette ville est le théâtre de faits divers tout aussi étranges que loufoques. On rencontre ainsi des personnages timbrés, dont les noms font penser à des placements de produits bon marché, ouvertement racistes, dans une Amérique des plus rurales et peu cultivée.  Le tout décrit par une plume française aux références littéraires diverses et variées, qui nous donne un détonant mélange des genres . Les donuts au chocolat avalés tout au long du livre peuvent être considérés à eux mêmes comme un personnage récurrent. A vous en donner la nausée pour ma part.

Ce joyeux bordel donne une comédie décalée, sur fond d’intrigue policière loufoque. Avec comme fil d’Ariane une haine fournie à l’encontre de James Joyce et des éléments d’intrigues empruntés à des grands classiques de la littérature, tel que Le Mystère de la Chambre Jaune de Gaston Leroux. Hélas, toutes ces références m’ont quelque peu perdue et noyaient à mon sens une absence d’intrigue. Quant aux personnages, leur absence de profondeur m’a laissée de marbre. Pas que j’ai passé un mauvais moment, mais il demeurera éphémère.

Ce qui est certain, c’est qu’au terme de cette lecture je n’ai aucune envie de me plonger dans le Ulysse de James Joyce, et encore moins manger des donuts ! Je n’ai pas été emballée outre mesure par Tout un été sans Facebook,  mais je vous laisse vous faire votre propre avis sur l’ouvrage déjantée de Romain Puertolas.

Belle lecture à vous !

Tout un été sans Facebook, de Romain Puertolas et disponible auxéditions Le Livre de Poche