« J’aime l’araignée et j’aime l’ortie // Parce qu’on les hait; […] //Parce qu’elles sont l’ombre des abîmes, // Parce qu’on les fuit, // Parce qu’elles sont toutes les deux victimes // De la sombre nuit » D’après Les Contemplations, de Victor Hugo. Quel plus bel incipit que celui de mon poète préféré depuis cette fulgurance qu’a été ce recueil de poèmes dédiées à sa fille décédée. Quel plus bel incipit que celui qui décrit la balance de la nature, qui conduit à l’équilibre.
Le bonheur. Cela pourrait aisément être un des sujets du bac de philosophie, tellement sa définition est vaste et propre à chacun. Voir le jour se lever. Sentir le cou de ma fille. Humer l’herbe fraîchement coupée. La lecture. Une liste non exhaustive de mes petits bonheurs au quotidien parmi tant d’autres. Ceux qui régulent ma vie, la cadencent et me rassurent. Un ancrage important pour moi.
Le bonheur. Celui de rendre les autres heureux, de s’accomplir en tant que personne. De ne pas se laisser entraver par les diverses embûches semés et en faire fi. Affronter dans les yeux la perte de ceux qu’on aime, la maladie, les accidents. Sombrer un moment et s’en relever plus fort.
Le bonheur. Un cadeau tombé du ciel, comme la possibilité d’être enfin une personne à part entière, sans pièce manquante au puzzle. C’est ce que vont vivre Clarisse et Eve à l’orée de leur cinquantaine respective, histoire de femmes avant tout, narrée par Catherine Cusset dans son dernier roman La définition du Bonheur. « Pour Clarisse, le bonheur n’existait pas dans la durée et la continuité (cela, c’était le mien), mais dans le fragment, sous forme de pépite qui brillait d’un éclat singulier, même si cet éclat précédait la chute ». Deux femmes : Clarisse, ogre de vie, grande amoureuse et passionnée de l’Asie, porte en elle depuis l’origine une faille qui annonce le désastre ; Eve balance entre raison et déraison, tout en développant avec son mari une relation profonde et stable. L’une habite Paris, l’autre New York. A leur insu, un lien mystérieux les unit.«
Le titre est racoleur à mes yeux. On pense, d’une manière inconsciente, tout du moins dans mon cas, trouver des clés, des bribes, d’une définition universelle, que nous savons pertinemment ne pas exister. C’est ce titre – associée au nom de l’auteure dont j’avais adoré Le problème avec Jane – qui a happé mon attention, et qui m’a aimanté. Je crois que je m’attendais à tout sauf à ce qui allait suivre.
Ma lecture a été une déception. En ce sens où je me suis laissée emporter par ces deux vies de femmes, menées en parallèle, sans grand rapport, si ce n’est un antagonisme profond de leur vie, de leur naissance à leur foyer, de leur personnalité à leurs emplois, de leurs craintes à leurs blessures. Puis, la révélation, le twist des cent dernières pages. Dont on se doute – sinon quel intérêt à tout ça – mais qui m’a gâché en partie ma lecture. L’autre point et pas des moindres, est l’accumulation de lieux, associés au personnage, traités en surface et qui m’ont donné une sensation de profonde superficialité.
La promesse était trop belle pour être vraie. Loin d’être un coup de cœur pour moi, j’ai refermé le dernier Catherine Cusset, La définition du bonheur, avec cette question, qui n’attend pas de réelle réponse, « A quoi bon ? ».
Belle lecture à vous !
La définition du bonheur de Catherine Cusset est disponible aux éditions Gallimard