Underground : (anglicisme) Se dit d’un mouvement artistique d’avant-garde indépendant des circuits traditionnels commerciaux. Se dit également de tour ce qui est sous terrain, dans l’ombre. Paris revêt ainsi ces deux visages. Celui policé des grandes avenues aux cafés prisés dans le monde entier pour leur élégance, dans lesquels déambulent des gravures de mode. Et l’autre, glauque, sombre et sale, mais plus intéressant. Un entre deux existe bien évidemment, mais la vraie vie peut se révéler être d’un ennui.
La drogue c’est mal. Cela rend dépendant, te détruit la santé ou pire encore. Qui n’a jamais entendu ce discours (vrai de surcroit) me jette la première pierre. La drogue c’est mal. La preuve en est Vincent Vega est quand même bien à côté de ses pompes quand Mia Wallace manque de mourir d’une overdose. La preuve en est quand Harry Goldfarb se voit amputer d’un bras suite à une septicémie et que Marion Silver doive se prostituer pour subvenir à sa consommation. La preuve en est Mark Renton voit un bébé mort marché sur son plafond en pleine désintoxication. Passons sur le côté inquiétant que je connaisse les plus grands dépendants et amochés du septième art.
La drogue c’est mal. Le cinéma pullule d’exemples de contre indication, tout comme la littérature. Comme tout ce qui est mal et illégal, donc interdit, cela crée l’effet inverse chez certain, cette envie d’essayer malgré tout. Les interdits lèvent des questions, comme tout tabou, qui méritent parfois de se pencher sur la réponse. Cette envie de se dire que toutes ses histoires sont des légendes urbaines et que rien ne lui arriver, car lui/elle sait. Certes. C’est ainsi que la dépendance peut faire voler des certitudes en éclat. C’est ainsi que Zède voit sa vie partir en fumer dans Chems, le dernier opus de Johann Zarca : « Quand Zède, le narrateur, journaliste connu pour ses papiers sur le milieu underground parisien, décide d’écrire un article sur Jérôme Dumont, artiste homosexuel ayant connu son heure de gloire dans les années 80, il n’imagine pas que ce portrait risque de lui coûter la vie. Il sort plus et plus tard, multiplie les plans et rentre chez lui à l’aube sous le regard ahuri de sa copine, enceinte de leur deuxième enfant et celui, apeuré, de son fils. Ses parents s’inquiètent de le voir maigre et gris lors des repas dominicaux. Ses amis s’écartent quand ils le voient rôder, drogué, dans les fêtes parisiennes, pour proposer des plans douteux à des femmes qu’il connait à peine. Isolement, manque, rechute, dégoût, reprise, plans à trois, quatre et plus, bienvenue dans l’enfer du chemsex. »
« Who is Zed? – Zed is dead, baby Zed is dead« * est la réplique qui m’est venue en tête lorsque j’ai fait connaissance avec le narrateur, ce dénommé Zède. Par contre la scène associée, La Crampe qui sort de sa boite tout de latex vêtu. La fin des Z sera inéluctablement la même. Maccabre à souhait, dans une quête de plaisir de plus en plus ardue, de plus en plus malsaine, de plus en plus déconnectée de la réalité. On sombre peu à peu dans une nuit qui vous happe et qui ne vous recrachera pas indemne.
De Johann Zarca je n’avais lu que Success Story écrit à quatre mains avec Romain Ternaux. J’avais aimé cette pensée acerbe, ce contre pied des romans feel-good, cette irresponsabilité qu’il en émanait. J’ai retrouvé ce parlé cru qui m’avait plu, avec Chemsex. J’ai une appétence pour l’irrévérence et ce depuis toujours. La littérature me le rend bien. Ames sensibles s’abstenir.
Psychotrope : (nom masculin) Stupéfiant. Substance qui agit sur le psychisme et le système nerveux. Le psychotrope est généralement chimique et peut provoquer des modifications de l’humeur, des sensations, de la perception, voire de la conscience. On l’associe souvent aux drogues. Ces dernières bien que prohibées ont longtemps eu la côte auprès des artistes pour les désinhiber et révéler leur caractère profond. En bref leur permettre de créer à peu près tout et n’importe quoi, le génie n’étant pas l’apanage de tous. Prenons l’exemple de Stupeflip « qui a écrit des trucs stupéfiants avec autant de travail que pour un album d’Asterix ».
Je pense que Professeur de Français, en collège de surcroît, est un métier bien ingrat. Bien que la langue de Molière regorge de particularités, elle est souvent moquée voire séchée par les ados à peine pubères, lui préférant bien souvent des activités extra-scolaires. La faute aux hormones (ou pas). C’est pour cela que bien qu’aillant rapidement fait un tour en licence de Lettres Moderne, je ne m’y suis pas éternisée. De peur d’avoir un métier, qui m’aurait je pense passionné, mais qui m’aurait aussi fait sortir de mes gonds et du cadre légal. J’en aurai baffé des élèves.
Cette carrière tuée dans l’œuf est mon seule point commun avec notre héroïne au nez fréquemment repoudré, j’ai nommé Anna Jocelin, narratrice et personnage centrale de Success Story. Car des drogues, je n’affectionne que les films où les romans qui en font mention. Et surtout je n’ai jamais mis les pieds à Brie sur Marne. « Anna, célibataire de 31 ans, s’ennuie. Elle ne connaît ni l’amour, ni l’amitié, ne rend jamais visite à son grand-père. Professeure de français dans un collège de banlieue, elle n’aime pas son travail, n’apprécie pas ses collègues, déteste ses élèves, ne parvient pas à écrire le roman qu’elle rêve de publier. Puis un jour, Anna retrouve une amie d’enfance et découvre les paradis artificiels. S’ensuit une ascension fulgurante. «
Je m’attendais à tout sauf à ce que j’ai lu. Depuis que j’ai remisé le club des cinq aux oubliettes pour la plume acide mais non moins géniale de Brest Easton Ellis, je pensais avoir tout « vu » en termes de drogués. Qu’à cela ne tienne, nous avons à faire à un mix de Vincent Vega et de Mia Wallace dans le style , mais version chamollow au cœur fondant d’amour grâce aux psychotropes qu’elle ingère à longueurs de journée. Nous assistons en direct sous nos yeux ébahis – et entre deux éclats de rire – à une mue d’une chrysalide inadaptée à la société à un papillon sous acide, qui ne l’est pas moins.
La drogue comme art de vie donc. Qui hérige en pleine conscience le moindre poulpe décérébré. La drogue comme norme sociale, tout du moins dans le milieu artistique. La drogue comme paradis réel d’un monde illusoire. Et surtout, qui est en quasi libre accès de sept à soixante dix sept ans à l’instar de Tintin. Le tout menant à la bienveillance envers autrui, au retour des valeurs familiales et patriarcales et à la volonté farouche d’aider son prochain. C’est beau et bisounours à souhait. Bienvenue dans une dystopie feel-good.
Amateur du troisième degré et même au delà, vous serez conquis par cet anti roman de l’été à dix mille lieux sur les étoiles de ce qui est politiquement correct. Personnellement, c’est tellement barré que j’ai adoré Succes Story de Romain Ternaux et Johann Zarca !