La citadelle – Eric Metzger

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Romantisme : (courant littéraire) apparu en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle et en France au début du XIXe siècle, ce mouvement littéraire et culturel européen concerne tous les arts. Il s’oppose à la tradition classique et au rationalisme des Lumières, et vise à une libération de l’imagination et de la langue. Il privilégie notamment l’expression du moi et les thèmes de la nature et de l’amour. Rappelons que son berceau français est Breton, grâce à notre renommé dépressif Chateaubriand. Le climat n’est évidemment en aucun cas le facteur aggravant de cet état.

La Citadelle, d'Eric Metzger

J’ai une profonde affection pour le courant romantique, mon préféré parmi les autres, et de loin. Je me répète quelques peu mais cela a son importance dans ma perception du dernier roman d’Eric Metzger, La Citadelle. On y retrouve la patte de ses précédents opus, en ceci que nous suivons les pérégrinations d’un trentenaire au prénom désuet, qui se cherche. Et ça me parle.  Énormément. A ceci prêt que l’intrigue aurait tout aussi bien se dérouler en Bretagne, mais je suis pas sûr que les Vieilles Charrues eussent été propices au psyché torturé et tortueux de notre héros.

Là où nous avions fait une descente aux enfers et rencontrer les pires canailles dont elles puissent être habitées dans Les Orphee, nous entrons ici dans un cercle inédit. Celui de l’enfer personnel, intrinsèque à sa personnalité. Celui qu’on ne peut fuir, qui nous condamne à une vie d’errance perdue. L’enfer des romantiques. Le mal être exacerbé et romancé, qui touche au sublime.

Et quoi de plus sublime qu’une histoire d’amour avortée, mal vécue par l’attente inassouvie et qui tend vers une haine tant l’être aimée est portée aux nues. Qui se passe dans un paysage changeant et isolé, à l’instar de la duplicité de son protagoniste principal, Émile. Jugez en vous même : « Après une année passée sous le soleil gris de Paris à rédiger des devoirs sans fin, Émile atterrit en Corse avec des amis. Le paysage splendide de Calvi illumine son été, ainsi qu’Andréa, une jeune Corse rencontrée au pied de la citadelle. Par orgueil, Émile refuse de tomber amoureux, quitte à en éprouver de terribles regrets. L’énigme d’Andréa ne cessera jamais de le hanter, au point de bouleverser son existence. Ce sont là les débuts d’Émile dans la vie. L’histoire d’une défaite autant que d’un succès, où il est question d’espoirs, de remords et d’envie. »

Nous assistons à un drame en cinq actes savamment orchestrés, dont les racines prennent source dans le caractère du héros stendhalien Julien Sorel. Dont Émile n’a de cesse de faire référence, car sujet de sa thèse, car double maléfique. On ne peut que se demander si son travail l’influence ou si sa personnalité en elle-même s’est portée sur ce choix de caractère. Malgré tout, c’est au Werther de Goethe que notre jeune ami m’a fait songé. Dans ce renoncement menant à l’agonie, qui le fait se perdre lui même. Andrea incarnant une Lotte au caractère fort et insaisissable.

J’ai aimé quitter les nuits parisiennes poisseuses pour une corse chaude et festivalière. J’ai associé l’ambiance italienne paisible du Talentueux M. Ripley à toute ma lecture, avec sa bande son en arrière fond musical. Le fait du premier acte peut être. Le fil d’Ariane de la condition sociale à la fois perçu  comme frein et comme cheval d’orgueil certainement. Je n’ai pu que penser, dans les tourments dont son âme fait preuve, au « ver de terre amoureux d’une étoile » même s’il n’a pas le courage de Ruy Blas.

Car c’est de cela qu’il s’agit après tout. Émile est pleutre. Il a peur. Peur d’aimer, d’être aimé pour ce qu’il est et non pour ce qu’il essaie de paraître. Peur de la mise à nue de son âme, et plus Andréa s’en rapprochera, plus il la tancera et la repoussera. Cercle vicieux dont on attendrai une fin plus légère et joyeuse, mais dont on sait qu’elle sera impossible.

Je crois que quand il s’agit d’Eric Metzger je ne suis pas objective. Sa plume me parle réellement, je m’y retrouve par moment, et surtout je ne peux que constater qu’elle s’affûte à chaque nouveau roman. Avec La Citadelle, il signe un roman romantique au sens hugolien du terme, dont je ne pouvais par essence que vanter les mérites.

Belle lecture à vous !

La Citadelle d’Eric Metzger est disponible aux Editions Gallimard – L’Arpenteur.

Les Orphée – Eric Metzger

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Chimère : (Nom féminin) monstre imaginaire, à la tête de lions et queue de dragon, qui crache des flammes. // idées sans rapports avec la réalité. Les deux définitions se valent pour cette histoire à deux niveaux.

Garçon, un café et le Roi Lion !

Je vous ai déjà parlé d’Eric Metzger, il y a quelques semaines, enfin surtout de son précédant roman Adolphe a disparu. Je récidive aujourd’hui pour vous parler du petit dernier, qui a bientôt un an – que le temps passe vite – j’ai nommé Les Orphée.

Drôle de titre s’il en est. Je l’ai immédiatement associé au dernier des douze travaux d’Hercule, qu’est la descente aux enfers. Je vous l’accorde, le lien est ténu mais mes cours sur la mythologie grecque et romaine datant du collège, je suis toute excusée.

Mais Orphée dans tout cela me direz vous. Il est bien descendu aux Enfers , et après avoir endormi Cerbère, a pu rencontrer Hades et Persephone pour sauver son Eurydice. Pour ce faire, il ne devait pas se retourner avant d’être sur la terre ferme. Chose qu’il fit pourtant et il perdit Eurydice à jamais. Noir destin que celui d’Orphee de perdre par deux fois son aimée.

Le titre du roman ne fait pas état d’un, mais de plusieurs Orphée. Le quatrième de couverture nous aiguille un peu plus : « Un jour, Louis, trentenaire à la vie monotone, achète un vieux téléphone dans une brocante. Une fois chez lui, alors qu’il s’amuse à le tester, Louis découvre que son nouvel appareil est en réalité une machine à téléphoner dans le passé. Grâce à celle-ci, il parvient à joindre son père, pourtant défunt depuis des années. Le téléphone pourra-t-il empêcher la disparition de ce dernier ? Un soir, Orphée décide de partir à la recherche d’Eurydice. Malheureusement, il ne connaît rien d’elle, ne sait pas du tout à quoi elle ressemble : elle est un fantasme impossible, une lumière au bout d’un couloir sans fin. Tout ce qu’il espère finalement, c’est qu’une fois dans ses bras, il trouvera enfin la paix. L’enfer d’Orphée, c’est la nuit, les soirées, l’alcool, les souvenirs. Il l’arpente, guidé par le fidèle Virgile, et dévore les cercles nocturnes les uns après les autres, remplis de nymphes et de démons : Eurydice, où es-tu ? Louis et Orphée, le jour et la nuit, chacun poursuivant une chimère. Jusqu’où la folie peut-elle les conduire ?« 

Les chapitres alternent la vie de jour de Louis, trentenaire parisien qui perd peu à peu pied avec la réalité, suite à l’achat d’un téléphone. Ce dernier pense pouvoir sauver feu son père. Ou est-ce son deuil qu’il devrait entamer ? Au fil des pages diurnes, il s’isole de tous, de son travail, de ses amis, de sa compagne. Et la nuit, avec Orphée qui cherche son Eurydice dans les cercles de l’Enfer. Il descend au fil de ses péripéties nocturnes un peu plus profondément, et ne rencontre que la fange des bas fonds. J’aime bien cette métaphore filée faite sur les soirées parisiennes, elle est si vraie. On perd son maquillage, et sa dignité, au fil des heures passées. Cela pourrait être pire, on pourrait y perdre notre humanité comme Orphée.

On se perd dans les méandres de l’esprit et de la nuit. La porosité entre le réel et l’imaginaire se fait de plus en plus forte au fil des pages, des jours, des nuits. Jusqu’au climax. Louis et Orphée, Orphée et Louis.

Avec Les Orphée, Éric Metzger nous offre un troisième roman bien écrit et plein de jolies références. Nous continuons à chercher l’âme et le sens de vie de ces trentenaires damnés. Et je dois avouer que cela me plaît , de par certains aspects, me retrouver en eux.

Belle lecture à vous ! 🎈

Les Orphée d’Eric Metzger est disponible aux éditions Gallimard, collection L’Arpenteur

Adolphe a disparu – Eric Metzger

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Transposition : (Nom féminin) action de faire passer quelque chose dans un autre domaine en l’adaptant à des conditions nouvelles, à un contexte différent.

Cela va faire bientôt un an que je tombais nez à nez sur Eric Metzger en séance de dédicace, un samedi en soirée. C’est alors que j’ai découvert que depuis l’époque où j’avais dévoré en un après-midi son premier roman, La nuit des trente, il en avait publié deux autres ! Sitôt dit, sitôt dédicacés, me voici repartie avec les deux opus paraphés sous le bras.

Une fois n’est pas coutume, j’allais lire une intrigue totalement inconnue. A savoir que même si je fais des achats impulsifs pour la beauté du geste, je tiens à tout lire. J’aurais l’impression de gâcher sinon ! Il m’arrive de m’ennuyer longuement ou alors de tomber sur une petite pépite. Fort heureusement pour moi, Adolphe a disparu est affilié à la seconde catégorie. Voici ce que nous en dit le quatrième de couverture : «Elle m’a brusquement quitté un jeudi soir. Je ne m’y attendais pas. Autour de moi, tout s’est écroulé, les murs, le ciel et mes pensées. Et puis il y a eu ce coup de fil de ma mère. En sanglots, elle m’explique qu’Adolphe, un vieux chat asthmatique, a disparu au beau milieu du bois de Boulogne. Et alors? Elle me supplie de l’aider à le retrouver. En temps normal, j’aurais refusé. Mais je n’en avais pas la force ; c’est ainsi que l’aventure a commencé…»

J’ai ainsi passé une journée à me promener au Bois de Boulogne, à me perdre au gré des pas de Jules, à mesure que celui-ci s’enfonce un peu plus dans les affres de ses pensées. Nous cherchons donc Adolphe, chat loufoque nommé selon les normes du bon goût – on pense ici au huis clos Le Prénom – et asthmatique de surcroît. Ce matou (miteux) a tout pour plaire. Ce fil d’Ariane atypique m’a séduite, autant que les personnages hauts en couleurs rencontrés.

La séparation de Jules à sa Lola, histoire somme toute commune, devient épique dans cette touffue forêt. Se mêlent aux pensées existentielles d’un trentenaire en mal de repères la vie atypique de sa mère, femmes aux chats, qui comblent sa solitude dans des amitiés improbables. J’y ai lu une transposition de son chagrin dans ses interactions aux boulonnais d’adoption abîmés par la vie. Le point d’orgue à cette promenade à deux chemins est le temps, menaçant et tempétueux.

Ce que j’aime dans les personnages d’Eric Metzger, c’est de m’y reconnaître. Pas complètement mais dans certains aspects de leur personnalité. Ce que j’aime dans sa plume, c’est ce côté classique, teinté de références plus ou moins subtiles. En bref, je ne saurai que vous conseiller ce roman décalé, perché à souhait.

Belle lecture à vous ! 🎈

Adolphe a disparu d’Eric Metzger est disponible aux éditions Gallimard, dans la collection l’Arpenteur