A la folie

2019, Rentree Litteraire

Dépendance : (nom féminin) asservissement à une drogue. Mais pas n’importe laquelle. L’amour de l’autre. Le besoin d’exister à travers lui, son regard sa vie. Sans peine de ne pas exister. C’est terriblement addictif. Et destructeur.

Je l’aime, Loulou Robert

Il y a un an je découvrais Loulou Robert et je pris littéralement une claque. L’urgence de sa plume, sa mise à nue des passions et la violence des sentiments n’ont aucun secret pour elle. J’ai été entraîné dans un tourbillon de la vie. D’une vie trop lourde à porter, trop ample à vivre.

C’est donc non sans une certaine fébrilité que j’attendais cette rentrée littéraire. J’attends je l’aime tel l’elu, l’illumination. Et je dois dire que je n’ai pas été déçue : « J’aurais pu être un millier de choses, mais j’ai choisi de consacrer ma vie à aimer. « 
Dès qu’elle le voit, elle scelle un pacte avec elle-même : il sera à elle.
Il lui prend la main. Elle le suit à Paris. Il devient journaliste. Elle, sa groupie. Elle l’aime, le hurle, le pleure. Rien d’autre n’a d’importance. Elle est jalouse, dangereuse, prête à tous les excès. Elle veut qu’il la regarde encore, qu’il l’aime comme elle l’aime. Sans limites. »

M aime M. Quelle parfaite allitération pour une imparfaite histoire d’amour. D’Amour comme la folie ordinaire. Comme la folie profonde. M, jeune femme a l’enfance volée, au besoin viscéral d’être aimé. Elle jette son dévolu sur M. Jeune homme qui devient l’homme de sa vie, le centre de sa vie, son poumon, bien malgré lui. On le voit comme bourreau, puis comme une victime, surtout comme faible et incapable de prendre la bonne décision. Les paradis artificiels deviennent le remède. La volonté de vivre ne tient qu’à un fil.

La folie de M. est parfaitement créé et mise en exergue par la narration sur quatre chapitres. Des paragraphes courts. Un point de vue externe, court, sans fioritures se confrontant au point de vue névrosé de M., narratrice au Campari serré et au lexomil facile. Une descente en enfer d’une enfant bafouée qui n’a pas su devenir une femme par elle même.

J’ai tout simplement adoré. Deux êtres définies par deux lettres, deux consonnes identiques. L’un se définissant par rapport à l’autre, qui décline peu à peu au fil du temps, des pages, des exigences. La folie poussée à son paroxysme dans le besoin maladif de l’autre. Un vrai petit bijou que le Je l’aime de Loulou Robert, qui sait décrire mieux que personne les méandres maladifs dans lesquels peuvent nous pousser certains amours, ou absence d’amour.

Belle lecture à vous ! 🎈

Je l’aime de Loulou Robert est disponible aux Editions Julliard

Pandora

Feel Good

Mythologie : (nom féminin) Ensemble de mythes crées autour d’un phénomène social, d’un thème, d’une doctrine. Celui auquel on s’attaque ici est la start up du vingt et unième siècle, cool et funky, à laquelle les employés sont dévoués corps et âme, s’oubliant parfois dans leur travail et tentant en même temps de reconnecter avec leur moi profond. La dichotomie de l’Être dans sa toute puissance.

Un Monde Nouveau, Anne Akrich

De mes nombreuses années de latin, ce ne sont pas vraiment les déclinaisons que j’ai retenues, mais la mythologie. Cela m’aura entre autre permis de conclure par la gloire quelques parties de Trivial Pursuit. Mais la mythologie, qu’elle soit grecque ou latine d’ailleurs, m’a toujours fascinée, intriguée. Et c’est assez naturellement que je me suis  appliquée par la suite à comprendre quelle inspiration elle avait pu avoir dans l’art. Petite préférence pour Narcisse et Pandore, qui résument à eux deux les maux modernes.

Nous vivons désormais dans une société ultra connectée, où de facto les nouvelles technologies sont devenues le point d’orgue de l’évolution. Cela est fascinant de pouvoir désormais avoir l’information à porté de main, de pouvoir glaner des renseignements à tout heure du jour et de la nuit, de pouvoir se faire livrer la plupart des mets après quelques tapes sur son clavier. Mais comme pour tout, il y a malheureusement un revers de la médaille peu glorieux, qui amène à réfléchir.

C’est ce que fait Anne Akrich avec son roman Un Nouveau Monde, au travers duquel elle pose un regard mi amusé mi désabusé, mais surtout cynique, sur les antagonismes contemporains. « Chez #InFutureWeBelieve, ils sont une dizaine de collaborateurs, jeunes, dynamiques et soudés autour de leur bienveillante happiness manager, Pandore. Dans le microcosme idéal de leur start-up, ils parlent franglais, font du coworking en open space, ne jurent que par l’économie du partage. Mais alors pourquoi peinent-ils tant à trouver leur place dans ce monde nouveau qu’ils prétendent bâtir ? »

On croise pleins de profils intéressants chez #InFutureWeBelieve, tous au bord de la rupture qu’elle soit professionnelle, personnelle voire même spirituelle. Cette entreprise a d’intéressante qu’elle est dotée d’une Hapyness Manager, comme si le bonheur ne pouvait être concentrée dans les mains d’une seule personne et distillée au compte goutte en fonction du degré de lassitude de ses collaborateurs. Pandore donc. Réceptacle des frustrations de ces congénères.

Notre société de l’immédiateté est malmenée. Les Netflix, Tinder et autres plateformes sont raillés par les biais qu’elles causent dans l’appréhension de la vie, par le prisme de la socialisation. Le principe du « J’ai vu, je veux, j’achète » est revu par le prisme de la responsabilité. La parentalité est également mal mené, car l’arrivée d’un enfant ne se gère pas comme un énième dossier à classer, mais est faite de concessions. On assiste ainsi à un pantomime de trentenaires  en sur réflexion sur leur moi, partant s’isoler du monde connu, pour essayer de trouver un sens à leur vie, pour être vraiment et non plus pour se considérer comme un mouton. Quelles sont nos vraies valeurs finalement ? Les nouvelles générations ne les perdent elles pas de vues au profit d’un égoïsme exacerbé ? Cette question, je dois vous le confesser, je me la pose de temps à autre. Peut être dans ce cas n’ai je pas encore besoin d’une Pandore.

A l’heure où nous cherchons à donner un sens à nos actes et nos vies, à être acteur et responsable, mais en étant plein de contradiction dans nos modes de consommation quels qu’ils soient, il est plaisant de lire le second degré et le cynisme dont fait preuve Anne Akrich dans son Nouveau Monde, que je vous invite fortement à lire.

Un Monde Nouveau de Anne Akrich est disponible aux Editions Julliard