La Comédie Humaine

Feel Good

Festivité : (nom féminin) fête, réjouissance. Et qui de mieux que sa famille pour célébrer ces moments magiques et uniques, tels que les fêtes de fin d’année ou les anniversaires. Sur le papier, l’idée semble bonne mais cela peut malheureusement se transformer en règlements de compte à Ok Corral, faisant sauter le vernis écaillé de cette image d’unicité.

Vous prendrez bien un dessert ?, Sophie Henrionnet

Même si nous sommes à l’aube d’un été caniculaire, il me tarde d’être en hiver. Je fais partie de ses rares personnes qui préfèrent les courtes et froides journées, ourlées d’un soleil ras, trop paresseux pour briller à son zénith. Quand la ville se pare de ses plus belles lumières, à la nuit tombante, et que notre plaisir est alors de se réunir dans la chaleur d’un foyer aimant et boire un vin euh chocolat chaud. J’aime ces réunions de famille de Novembre en ma Bretagne tempêtueuse. Même si Noel prévaut en général pour ces moments en famille partagés.

C’est ainsi que la famille Labarre ne déroge pas à la règle et n’a que l’heureux choix de se retrouver autour d’un sapin bariolé pour célébrer, tous ensemble et à leurs corps défendant, ce moment de félicité. D’apparence tout du moins. De la matriarche acariâtre aux petits enfants transparents, Sophie Henrionnet ne nous épargne aucun travers de cette famille hautement dysfonctionnelle avec Vous prendrez bien un dessert. « Les fêtes de fin d’année, un temps propice aux joies simples des retrouvailles et aux petits bonheurs en famille ? Pas chez les Labarre. Alors que toute la famille est réunie pour célébrer à la fois Noël et l’anniversaire de Louis, le patriarche, chacun a ses propres raisons de redouter ce huis clos familial. Bientôt, la neige envahit la vallée et le luxueux chalet dans lequel les Labarre sont rassemblés se referme sur eux comme un piège. Tandis que le champagne coule à flots, les apparences se fissurent… et secrets comme vieux démons se joignent à la fête.« 

Un chalet dans la montagne enneigée. Une grande famille disséminée ca et là, en trois générations. Un weekend de quatre jours organisé au cordeau pour un fiasco final des plus magistrales. Nous rencontrons l’un après l’autre les membres de cette famille désunie, aux proies à leurs qui viennent à un à un à reculons dans cette réunion infernal. Un huis clos familiale, où les convenances et le bon goût vacillent. Où rien ne prévaut plus que de garder les apparences. Faire semblant et garder la tête haute malgré tout.

A travers la galerie des portraits des membres de la famille Labarre, on en apprend un peu plus sur chacun. Et au fur et à mesure que le réveillon bat son plein, le drame point le bout de son nez. L’argent comme moteur de cette jovialité forcée. La vérité quant au désamours de mères envers leurs enfants. Les conséquences tragiques de liaisons passées et cachées, afin de sentir vivants et aimés. Un patriarche aimé de tous, mais haïssable à souhait. Une vérité latente qui une fois dite renverrai à chacun le visage du misérable qu’il est réellement.

Avec son roman Vous prendrez bien un dessert, Sophie Henrionnet dresse un portrait au vitriol d’une famille bourgeoise à l’égoïsme individuel affligeant. C’est fin, drôle et caustique, je m’en suis délectée.

Belle lecture à vous !

Vous prendrez bien un dessert de Sophie Henrionnet est disponible aux éditions Charleston

La Bohème

Feel Good

Bohème : (nom féminin) au 17ème siècle, description d’un personnage vivant en marge de la société et cultivant une forme nouvelle de liberté de pensée, ainsi qu’un souci vestimentaire excentrique. La Cour des Miracles en tant que lieu de vies, dans les souterrains parisiens. Une vie de liberté en sommes. 

Fille de Bohème, Vania Prates

Deux types de personnages historiques m’ont toujours fascinée : les pirates et les saltimbanques.  Certes, ils ne sont pas politiquement corrects mais tellement plus intéressants à étudier. Cette soif de liberté qui émanaient d’eux est une vraie source d’inspiration pour moi. Je me suis souvent plu enfant à me glisser dans la peau d’un de ces fascinants bandits.

Depuis, j’ai vieilli. Mais cette admiration sans failles m’est resté. Dans ma vie en générale. La liberté est ce que je chéri le plus, et quel beau moyen d’expression qu’est l’art.  Cela influe notamment mes goûts littéraires et cinématographiques. J’ai regardé en boucle L’Ile aux Trésors avec Gina Davis, et je crois qu’encore maintenant je prendrai plaisir à le regarder. Et je connais les dialogues par cœur.

C’est ainsi qu’en cette période confinée – en cage dans une prison dorée qu’est mon appartement douillet – j’ai un besoin farouche d’évasion et de liberté. Et que ma lecture de Fille de Bohème de Vania Prates ne pouvait pas mieux tomber : « L’enterrement de vie de jeune fille de Laura, la meilleure amie de Mélissandre, est une folie, une débauche de danseurs, ventriloques, mimes, clowns, magiciens et cracheurs de feu. Sans oublier l’hypnotiseuse… Méli, plus que sceptique, accepte de se laisser faire. Elle n’imagine pas une seule seconde que cette séance va bouleverser son existence bien rangée… Car depuis, elle est hantée par de puissants rêves et découvre, songe après songe, la vie aussi dangereuse qu’exaltante d’Éveline, une bohémienne de la cour des Miracles…
Comment expliquer que cette époque lointaine lui semble si familière ?« 

D’une vie étriquée où seules les luxueuses apparences comptent, à une vie d’entraide et d’écoute à la place du Tertre et sa vie d’artiste prégnante, il y a une longue chemin. Une introspection qui permet de remettre au centre de la vie les vraies valeurs. Et de ce rendre compte qui sont réellement les gens sur lesquels on peut compter.

D’une vie de larcin à la Cour des Miracles aux appartements luxueux des Nobles qui ont leurs entrées à la cours, il y a une longue réflexion teintée de courage et d’humilité.

De ses deux vies aux antipodes, il y a une femme qui apprend à suivre son cœur plutôt que les conventions sociales, carcan étriquée dans lequel elle n’arrive plus à respirer.

Ce fut une belle surprise que cette lecture de Fille de Bohème de Vania Prates, qui m’a fait voyager dans cet univers tant aimé des saltimbanques, ces artistes libres comme l’air qui me fascinent tant.

Belle lecture à vous !

Fille de Bohème de Vania Prates est disponible aux éditions Pocket. Il a reçu le prix du livre Romantique. 

D’après une histoire vraie

Non classé

Caricature (nom féminin) portrait peint, dessiné ou sculpté qui amplifie certains traits caractéristiques du sujet. Souvent humoristique, la caricature est un type de satire graphique quand elle charge des aspects ridicules ou déplaisants. Si à l’origine elle tend à faire rire, certain des sujets qu’elle traite peuvent valoir à ses auteurs d’être menacés de morts. Mais pouvons nous encore nous définir comme libres si notre liberté d’expression est muselée ?

Le roman de Molly N., Sophie Carquain

De mes dix années passées à Paris, dans cette décennie qui vient à peine de s’écouler, j’ai subi deux traumatismes, qui ont marqué au fer rouge mon âme et mon cœur – comme tout à chacun me direz vous. Le premier, les attentats de Charlie Hebdo. L’incompréhension, tout d’abord. L’effarement par la suite. La peur pour finir. Qui s’est estompée peu à peu, sans véritablement s’en aller.  Nous étions devenus Charlie. Le second, le 13 Novembre. Choc sismique. La peur refaisant surface à chaque regard, chaque bruit, chaque pas dans la rue.  La peur de vivre chevillée au corps. En un mot la terreur.

La liberté d’expression, la liberté de vivre comme bon nous semble. C’est ainsi qu’il y a dix ans la caricaturiste Molly Norris s’est insurgée pour la liberté des ses pairs, au travers d’un de ses dessins, qui a été relayé dans le monde, via les réseaux sociaux. Ils sont fabuleux autant que dangereux. Et c’est dans ce second cas que la jeune femme s’est vue dépossédée de son dessin et de son humour, qui a été relayée voire déformée pour transmettre des messages bien moins consensuels. Et que sa vie a basculée. Sophie Carquain revient sur ces quelques semaines d’une vie somme toute normale qui a basculé dans la clandestinité la plus totale, dans le roman de Molly N.: « Pour ses amis et sa famille, Molly N. a disparu en septembre 2010. Plus aucun signe d’elle. Menacée de mort par une fatwa suite à un concours de caricatures du prophète Mahomet, la cartoonist de Seattle a dû intégrer le programme de protection de témoins du FBI, changer de ville, de nom, d’identité. Comment renaître à l’autre bout du monde ? Comment vivre sous haute protection ? Cela fera bientôt dix ans qu’elle a disparu. Fascinée par cette histoire, dont elle entend parler le 7 janvier 2015, jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, Sophie Carquain décide d’en faire un roman.« 

Le roman de Molly N. a cela d’intéressant qu’il est une oeuvre fictive et non un témoignage. Basée sur la disparition d’une femme il y a 10 ans, dont on ne sait si elle vit encore ou non. Dont on se demande comment elle peut vivre – ou survivre – en ayant renoncer à celle qu’elle était. Pour simplement jouir de cette vie qui est sienne, mais qu’elle ne peut plus réellement vivre comme tel.

Comment peut on perdre le contrôle de ce qui nous définit sans se perdre soi même ? Comment apprend on a vivre dans la terreur quand son ombre devient un agent armé et que tout lien d’amitité naissante peut se muer en menace potentielle ? Comment fait on le deuil d’une personne vivante, celle que nous étions dans une vie antérieure ?

Sophie Carquain essaie de répondre à ses questions avec un postulat de journaliste, factuel et sans pathos. Mettant en parallèles les attentats terroristes qui ont défigurées Paris en perspective de la vie (fantasmée) de Molly. En outre, l’alternance de la vie de Molly et du journal de Sophie nous plonge dans un monde nébuleux, dont la frontière entre la vérité et le romancé nous semble être plus que jamais poreux.

Cette lecture du roman de Molly N. m’a beaucoup fait réfléchir quant à cette liberté qui nous guide, mais qui peut nous consumer également, impunément et ce malgré nous. Car corrompu par l’irrespect et la méchanceté, qui gangrène ces réseaux dits sociaux, qui tendent à faire de nous des asociaux liberticides.

Bonne lecture à vous !

Le roman de Mollly N. de Sophie Carquain est disponible aux éditions Charleston