Nymphette : (nom féminin) désigne une jeune fille ou jeune femme adoptant une esthétique stéréotypée, basée généralement sur un décalage entre l’âge véritable de la personne, et son comportement, essentiellement dans ses aspects sexualisés. Synonyme, Lolita depuis le roman éponyme de Nabokov, en 1955. Par pudeur pour nos oreilles, nous passerons sous silence la version radio des années 2000.
A douze ans, même si par certains aspects nous souhaitons être des adultes, nous restons des enfants. L’entrée dans l’âge ingrat commence, les centres d’intérêts évoluent. Les filles et les garçons se regardent, se parlent, se mélangent dans les cours de récréation. On joue encore à chat, peut être pas dans la cour du collège, mais en rentrant chez soi le soir. Il nous faut l’autorisation (voire la motorisation) parentale pour aller au cinéma les jours de grèves, avec une heure de retour bien établie. On gagne en autonomie, tout en étant protégé. Tout du moins, par ses parents. C’est comme cela que j’ai vécu mon année de cinquième, et l’entrée dans l’adolescence. Avec le recul, et quand je vois des collégiens sortir avec leur sac à dos plus gros qu’eux et leurs têtes pouponnes, je me dis que nous ne sommes plus que jamais des enfants.
A douze ans, c’est l’âge auquel Dolorès Haze a perdu sa maman, ses illusions, son innocence en bref son enfance. Par le fait de son beau père pédophile, le dénommé Humbert Humbert. Cet adjectif, pédophile, n’est pas utilisé dans l’œuvre originale de Nabokov. Tout comme les viols à répétition sur mineure ne sont jamais qualifiés comme telle. En donnant la voix à Lolita dans son journal intime imaginaire, Journal de L. , Christophe Tison revient sur une enfance volée et permet à la bien trop jeune victime, de s’exprimer, de mettre de véritables mots sur ses maux, les sévices subies : « Ce roman est le journal intime d’un personnage de fiction. Plus d’un demi-siècle après la publication des carnets de son ravisseur par Vladimir Nabokov, Lolita se livre enfin. L’adolescente la plus célèbre de la littérature raconte son road trip dans l’Amérique des années 50, ses ruses pour échapper à son beau-père, ses envies de vengeance, ses amours cachées, ses rêves de jeune fille. «
Le journal d’une ado. C’est cela que nous avons devant nos yeux. Si on le sait dans les premières pages, on l’oublie vite au fur et à mesure qu’elles filent sous nos doigts. Devant l’horreur quotidienne qu’elle subit. L’innocence est vite dérobée, et cela se ressent dans le vocabulaire, plus étoffée au fil des ans, et le cynisme écœurant, dont aucun enfant ne devrait avoir à faire preuve. Ce journal relate cinq années d’une vie qui nous semble en compter cinquante. Ou plus exactement, ce journal relate la mort lente d’une enfant, devenue Femme malgré elle, mais qui n’en attendra jamais l’âge.
On ne sort pas indemne de cette lecture, d’autant plus quand on sait qu’elle fait écho à la vie de l’auteur, à ses blessures indélébiles. On reste sans voix devant celle de Dolorès, qui devient une survivante à l’orée de sa puberté. Et on se promet de faire tout ce qui est en son possible pour protéger son enfant, pour qu’il garde cette âme innocente dont il est doté à la naissance, dans la mesure du possible, jusqu’à ce qu’il devienne parent à son tour.
Merci aux Éditions de la Goutte d’Or de m’avoir permis de découvrir avant sa sortie cette pépite de la Rentrée Littéraire 2019, qu’est le Journal de L. de Christophe Tison.
Belle lecture à vous !
Journal de L. (1947-1952) de Christophe Tison est disponible aux Éditions La Goutte d’Or