Carolina Reaper – Morgane Montoriol

Thriller

« L’enfer, c’est les autres » écrivait Sartre. Et cette phrase garde un sens intemporel et universel à mes yeux. Parfois, il s’avère que l’enfer croisse en nous – que ce soit à notre su ou insu – créant des personnalités typiquement monstrueuses, faites de vices et de fêlures, de certitudes et de zones d’ombres. Le péché s’est introduit dans le jardin d’Eden pour le mener à sa perte.

Carolina Reaper, Morgane Montoriol

En ce moment, je regarde la série Ozark, avec cette association de malfaiteurs qu’est la famille Byrde. Une ville en apparence paisible. Aux voisins sans histoires. A la jeunesse tournée vers autrui. En apparence. Quand le vernis se fissure, la vérité fait alors surface et cette ville de villégiature devient le terrain de jeu des pires mafieux et d’agents spéciaux peu scrupuleux de suivre le protocole.

J’ai retrouvé cette ambiance post apocalyptique sous jacente dans la poisseuse Savannah, théâtre des pires exactions, en proie à la folie des hommes dans Carolina Reaper de Morgane Montoriol : « La violence des hommes est-elle une malédiction ou un héritage ? Savannah, l’incandescente ville de Géorgie. Un maire richissime porté aux nues par ses habitants, mais redoutable et despotique en privé. Une compagne soumise, qui ne trouve pas sa place dans cette vie publique fastueuse. Un fils hypersensible, trop fragile pour marcher dans les pas de son père. Une belle-fille cynique, surdouée, dont l’intelligence pourrait signer sa perte. Dans cette famille, le secret agit tel un venin, semant la mort et le chaos. »

Church. Le patriarche, Maire de sa ville. L’Eglise au centre du village. Le point névralgique des activité illégales et illicites en privé. Un veuf blessé et homme de résilience en public. Coyote, son fils, le lien du sang, au prénom de prédateur, au physique d’ange, déchu de ses ailes et habité de névroses et maux, lui rongeant âme et peau. Rappelant à son père sans cesse une faiblesse dont il ne peut souffrir. Dwayne, fils spirituel, en proie entre ses pères – biologiques et spirituels. Ces hommes ramenés à leurs instincts primitifs, primaires. Prédateurs en cage, guettant leurs proies et prenant un plaisir sadique à les voir se débattre.

Keith. La femme trophée, de celles qui ne veulent pas vieillir et dont le quotidien est fait de paillettes et de violence, ambivalente à souhait. Idaho. L’adolescente intelligente, qui a grandi trop vite, par la faute des des hommes et de cette mère autocentrée.

Cette galerie de personnages forts et écorchés vifs se relaient tour à tour pour nous conter une histoire. Un pan de leurs vies communes, souillées par le sang et les mensonges, la soif de pouvoir et celle de liberté, les larmes et la vengeance. Leur passé respectif comme prisme de lecture tisse une atmosphère pesante et lourde, qui nous maintient en haleine jusqu’au dénouement final. Un savant mélange de flash back / flash forward, qui nous donne envie de comprendre où se loge le péché. Qui peut bien être cette pomme vérolée, ce « carolina reaper » ? Peut être un peu tous après tout.

J’avais pris une claque avec Tâches Rousses, le premier roman de Morgane Montoriol. Le second est tout aussi captivant et addictif, avec cette plume acérée au franc parler. Un vrai régal que ce roman.

Bonne lecture à vous !

Carolina Reaper de Morgane Montoriol est disponible aux éditions Albin Michel

L’ombre du Lac – Laure Rollier

Thriller

« Le prisonnier voit la liberté plus belle qu’elle n’est. » a écrit Alphonse Daudet, dans le Doulou. Il existe plusieurs prisons. Celle de The Wire, où les truands peuvent allégrement parler de trafic de drogue au parloir. Physique, réelle. Et la pire, celle qui nous enferre, nous noie, nous submerge, métaphorique. A savoir celle que l’on se créé aux détours de secrets et de non-dits.

L’ombre du lac, Laure Rollier

Les apparences. Souvent trompeuses, elle nous offrent un réalité idéale, celle qui crée l’envie, celle qui nous fait rêver, celle dont on pense que tout le monde voudrait. L’uniformisation étant tout de même quelque chose de plat, sans saveur, on peut se demander l’intérêt au final.

Les apparences. Souvent trompeuses, elles sont le théâtre de vérités et de drames enfouis, dont le brillant vernis ne doit pas s’écailler. Equilibre aussi précaire qu’un château de carte, peut on réellement s’y raccrocher quand tout s’écroule.

Les apparences. Une fois volées en éclat, le choix n’est autre que d’affronter son reflet, sa vie dans un miroir au teint sans mensonges, sans fard, sans artifices. La vérité d’un temps passé, celle qui revient hanter vingt ans plus tard les protagonistes de l’Ombre du Lac de Laure Rollier : « Comme chaque année, Valentine, brillante éditrice, vient passer les vacances d’hiver dans le domaine familial, niché au cœur d’un petit village de montagne. Là-bas, un manuscrit anonyme a été déposé à son attention. Valentine découvre avec effroi qu’elle est l’héroïne de ce thriller machiavélique dans lequel elle est assassinée à la fin. À Montuis, petit bourg d’un millier d’âmes où tout le monde se connaît, des secrets enfouis depuis plus de vingt ans vont alors refaire surface. Qui a écrit ce roman ? Valentine doit-elle craindre pour sa vie ? Que s’est-il réellement passé « De l’autre côté du lac » ?« 

Une mise en abîme du roman, de l’intrigue, comme point d’entrée de huis clos. Une atmosphère confinée, dans la montagne enneigée, au sein d’un petit village où tout le monde se connaît, où l’histoire des uns cohabitent, s’entrelacent même avec celle des autres. Une alternance des points de vues, de Valentine et de Mathieu, les héros malgré eux du mystérieux manuscrits. J’avais aimé ce procédé stylistique dans Le disparu de Nantucket, et j’ai été contente de le retrouver. Un personnage vient se glisser de temps à autre, central, et silencieux, l’année 1997, celle du point de bascule, qui a fait voler bon nombre de vies en éclat.

Le roman est savamment mené, les points d’intrigues et de résolutions parfaitement dosés, pour ne pas nous rendre impatient mais nous laisser l’occasion de mener notre propre enquête, de tirer nos propres conclusions.

Mon seul regret à la fin de ma lecture a été d’avoir englouti L’ombre du Lac en deux jours. Amateur de huis clos, je ne serai que trop vous conseiller les « cosy mystery » de Laure Rollier.

Belle lecture à vous !

L’ombre du lac de Laure Rollier est disponible aux éditions Moissons Noires

Santa Mondega – Anonyme

2021, Rentree Litteraire, Thriller

Il était une fois dans une contrée lointaine, un jeune homme qui ignorait tout de sa fantasque destinée. Il vivait tranquillement dans une calme bourgade, où il contait fleurette à la belle jeune fille sans défense de son patelin. Jusqu’au jour où tout bascula…. Jusqu’au jour où Moines férus de Kung Fu, Vampires, Chasseurs de Primes, Iroquois, Zombies, les Archanges, Le Diable et Dieu débarquèrent tour à tour et y semèrent un sacré chaos. Le jeune homme devint alors le pire d’entre eux, une créature de l’ombre assoiffée de sang et de bourbon, à la voix de rocailles et au visage caché sous son sempiternel capuchon. Son nom ? Bourbon. Bourbon Kid.

Santa Montega, Anonyme

Il était une fois une contrée lointaine, peuplée de créatures malfaisantes, barman incompétent et de toilettes en guise de portail vers le purgatoire, nommé Santa Mondega. Cela fait désormais huit tomes que cette ville est un personnage à part entière des romans d’Anonyme, il n’est que justice de lui consacrer ce neuvième opus.

« L’heure est grave à Santa Mondega. Après avoir réglé son compte à Dracula, le Bourbon Kid est de retour, plus en colère que jamais. Sanchez, le patron du Tapioca, vient d’être nommé maire de la ville. Et une tempête de neige à l’intensité biblique s’apprête à s’abattre dans les rues. Simple coïncidence, ou ruse du diable ? Justement, celui-ci a réuni les meilleurs tueurs à gages qui existent pour éliminer le Kid. Parmi eux, un homme à la hache complètement cinglé, une sorcière, une tribu de cannibales et une armée de squelettes. Et pour couronner le tout, il a convoqué la Grande Faucheuse en personne…
Pour le Bourbon Kid et les Dead Hunters, l’heure de la traque a sonné. »

J’avais avec Que le Diable l’emporte, atteint un sommet d’adoration dans les aventures du Bourbon Kid. Ce dernier prenant de plus en plus d’ampleur, sa personnalité se dessinant plus finement, ses sentiments plus élaborés. Sa tendance à semer de l’hémoglobine dans chacun de ses pas plus démesurée. Bref, mon anti héros absolu, dont je me délecte de tous ses faits et gestes.

Quelle ne fut pas ma surprise, et dans un sens mon déplaisir, de ne le voir apparaître qu’en personnage secondaire dans ce dernier opus. Reclus dans l’ombre, avec peu de paroles et si peu de bourbon. Certes, tous les autres personnages ont leur importance, mais sont à mes yeux moins plaisants, et font tourner l’intrigue en rond, sur un fond grivois qui devient à la longue lassant.

J’ai fermé – et quitté – Santa Mondega avec un regret, que ce dernier tome ne soit pas à la hauteur des précédents et me laisse sur ma faim. J’espère que cette fin n’est pas un adieu. Ma rentrée littéraire 2021 commence à mon grand damn à tourner au fiasco.

Bonne lecture déjantée à vous (malgré tout) !

Santa Mondega, d’Anonyme est disponible aux éditions Sonatine