Cinabre – Nicolas Druart

Thriller

“Comme vous le savez, la folie est comme la gravité, il suffit parfois juste d’un petit coup de pouce.” Le Joker (incarné par Heath Ledger) dans Batman, Le Chevalier Noir. Meilleur film de la saga à mes yeux.

Cinabre, Nicolas Druart

J’aime beaucoup la série en anthologie American Horror Story. L’esthétique est léchée, la bande son impeccable et les acteurs parfaits. En fait non, je n’aime pas, j’adore. L’une de mes saisons préférées est la cinq, celle sur l’Hôtel Cortez. Inspirée entre autre par le tristement célèbre Cecil Hotel à Los Angeles.

Le lieu est un personnage en lui seul, de part sa désuétude apparente en extérieur et de son faste d’un temps passé en intérieur. Un bar surplombant le lobby peuplé d’un barman en robe longue et au maquillage outrancier – nommé Cléopâtre – , où se mêlent vivant et défunts, vampires et humains, n’ayant aucune conscience du temps écoulé depuis qu’ils sont entrés dans cet endroit. L’entrée y est aisée, en sortir indemne quasi impossible. L’hôtel se nourrit de l’âme de ses défunts qui hantent ses couloirs.

Ce sont précisément ces images que j’avais en tête lorsque je décidai d’entrer dans l’Hotel Ferdinand et d’entamer ainsi ma lecture de Cinabre de Nicolas Druart, la bande son aux accents macabres et métalliques en boucle dans mon subconscient. « L’Hôtel Ferdinand fut le théâtre d’un quadruple homicide dans les années 1980. Son directeur, Eugène Ferdinand, y massacra sa famille avant d’être abattu par la police. Toute sa famille sauf Richard, petit dernier miraculé. C’est lui-même qui décidera trente ans plus tard de rouvrir l’établissement… Mais on n’efface pas à coups de travaux monumentaux une réputation sulfureuse. Les Rois de Pique sont six anciens camarades de promo qui ont fui l’hôpital pour se lancer en indépendants. Lorsque l’un d’eux disparaît après avoir soigné une cliente de l’Hôtel Ferdinand, personne ne semble s’en émouvoir. Seul Elliot Akerman, infirmier sensible et sans concession, va partir à sa recherche. Pendant ce temps, Toulouse vit sous la terreur d’un tueur qui attaque ses victimes au sabre. Est-il isolé ? Et qui doit se sentir menacé ? Pour le capitaine Aubert et son équipe, c’est le début d’un combat sans fin contre une hydre voilée par des nappes de sang. « 

Bienvenue à l’Hôtel Ferdinand. Lieu toulousain damné par un homicide, et auquel on lie une aura macabre. Lieu de fascination pour les non initiés, lieu de terreur également, lié à sa légende passée. C’est en foulant son sol que la vie d’Elliot va basculer. On entre dans l’Hotel Ferdinand comme à une soirée de Gatsby, le faste, la décadence et la grandeur se battent, pour cacher des secrets. Sombre, noirs, en un mot terribles.

Associé à cela un soupçon de Fight Club, dans la version brute de Chuck Palahniuk. (Si vous aussi vous avez été traumatisé par l’épisode des rondins de bois sur la plage, nous pouvons en parler.) On peut combattre des Hommes, dans une lutte manichéenne entre le bien et le mal – éternelle question de polarité. On peut combattre un ennemi commun, se rassemblant le temps d’une ultime bataille. Le mal périt, la vie reprend son cours, en essayant d’apprendre de son passé. Mais peut on combattre une idée ? Pensée invisible mais néanmoins présente, qui s’insinue en chacun de nous, qui germe quoi qu’il advienne ?

C’est un coup de maître que Cinabre de Nicolas Druart. Roman noir, dense à l’intrigue bien ficelée. Ma lecture fut haletante, et sans pause, et quinze jours après l’avoir refermée, continue de hanter. Amateur de roman noir, cette lecture est faite pour vous.

Belle lecture à vous !

Cinabre de Nicolas Druart est disponible aux éditions Harper Collins

L’étrange traversée du Saardam – Stuart Turton

Thriller

 » Nul conseil n’est plus loyal que celui qui se donne sur un navire en péril.  » Léonard de Vinci. Quand le navire prend eau de toutes parts, que le diable est à ses trousses et qu’une mutinerie est en cours, le péril ne peut être plus grand. Bienvenue à bord du Saardam, vaisseau à la traversée épique.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les films de pirates. De ces somptueux vaisseaux fondant les eaux en deux, de cette liberté bercée par les flot, défendue férocement parce qu’éphémère et interdite. Que ce soit la vie de dangers et de débauche, la garde robe faite de chapeaux, de plumes et de bottes ou les somptueux bâtiments, l’esthétique des pirates m’a toujours fascinée. L’île aux pirates avec Gina Davies a longtemps été un de mes classiques. Puis il y a eu ma rencontre avec Thelma et Louise, mais c’est une tout autre histoire.

Ce qui me plait le plus dans ces histoires de pirates – quelles soient réelles ou fantasmées , ce sont les croyances qu’on leur prêtaient, des mythes des mers, des autres sirènes et superstition qui pouvaient faire flancher dans leur soif insatiable de conquêtes sanguinaires, les meilleurs marins qui soient.

Certes, l’équipage qui quitte Batavia pour Amsterdam n’a rien de frondeur ou de belliqueux. De prime abord tout du moins. Mais il n’en reste pas moins des marins, des passagers non initiés et quelque peu craintifs, des Hommes dans leur peur les plus primales. Bienvenue à bord, pour vivre cette Etrange traversée du Saardam, Stuart Turton. « 1634. Le Saardam quitte les Indes orientales pour Amsterdam. À son bord : le gouverneur de l’île de Batavia, sa femme et sa fille. Au fond de la cale, un prisonnier : le célèbre détective Samuel Pipps, victime d’une sombre affaire.
Alors que la traversée s’avère difficile et périlleuse, les voyageurs doivent faire face à d’étranges événements. Un symbole de cendres apparaît sur la grand-voile, une voix terrifiante se fait entendre dans la nuit…
« 

Prenez un lépreux annonciateur de l’apocalypse. Couplez-le à une traversée éprouvante de plusieurs mois pour rejoindre le vieux continents. Ajoutez-y un équipage hétéroclites, dont chaque membre est animé par ses propres desseins, des plus vertueux au plus sombres. Mélangez le tout avec une dose d’obscurantisme et de croyances profanes. Saupoudrez le tout d’odieux secrets et d’identités floues. Vous obtenez un roman hautement addictif.

J’avais eu un coup de cœur pour les Sept morts d’Evelyn Hardcastle, ayant cauchemardé de médecin de peste et de valet de pieds durant quelques nuits, le temps de ma lecture. Je n’étais pas prête à être happée de la sorte par une intrigue, aux mille et un rebondissements, faux-semblants et étranges vérités. J’étais mieux armée pour cette nouvelle lecture. La magie a d’autant mieux opéré. J’ai littéralement vécu le temps d’une semaine sur le Saardam, avec ses passagers, ses odeurs, ses tragédies et autres secrets bien gardés. J’ai frissonné d’effroi aux portes de l’Enfer tout en menant l’enquête. Et c’est là que tient le génie de Stuart Turton, à savoir ouvrir plusieurs intrigues, donner la part belle à plusieurs personnages et ce sans perdre son lecteur, et en prenant le soin de refermer toute porte qui avait pu être que ne serait-ce entrouverte.

Vous l’aurez compris, c’est un nouveau un coup de maître de l’auteur. C’est à nouveau un coup de cœur pour moi. N’hésitez pas et plongez tout entier dans L’étrange traversée du Saardam.

Belle lecture à vous !

L’étrange traversersée du Saardam de Stuart Turton est disponible aux éditions Sonatine

L’affaire Alaska Sanders – Joel Dicker

Thriller

« C’est une question de respect. » se plaît souvent à dire Darlene Snell dans Ozark. Pourquoi une citation de cette série ? Que viennent faire ici les Read necks et les trafiquants d’opium ? Parce que je suis plongée dans ses affres en ce moment. Que de facto j’ai superposé l’image de cette ville, enclavée entre monts et lacs à celle de Mount Pleasant. Et que c’est une question de respect que de trouver le coupable réel, à l’instar d’une partie de Cluedo.

L’affaire Alaska Sanders, Joel Dicker
L’affaire Alaska Sanders, Joel Dicker

Certains lieux peuvent revêtir un pouvoir, propre à soi, à son expérience, à son vécu. Ainsi cela va faire trente-cinq ans – je pars du principe que j’ai de la mémoire depuis le premier jour pour compenser mon manque de capacité en soustraction – que lorsque j’emprunte la corniche qui mène de Morlaix à Carantec, je me sente légère, en vacances, littéralement de ma vie quotidienne et de mes tracas. A contrario, la gare Montparnasse a désormais pour moi un effet crispant, synonyme de stress, de veine palpitante sur le front et d’œil qui cligne tout seul. Alors qu’il y a douze ans, ma valise et moi même étions si heureuses d’y mettre les pieds.

Certains livres peuvent me procurer cet effet réconfortant, parce que je sais à quoi m’attendre et que leur lecture à sur moi un pouvoir enveloppant. Une bulle hors du temps, quelques heures qui s’égrènent différemment. Et c’est ainsi que j’ai retrouvé un moment un vieil ami, de longue date maintenant, Marcus Goldman, protagoniste principal de l’Affaire Alaska Sanders : « Avril 1999. Mount Pleasant, une paisible bourgade du New Hampshire, est bouleversée par un meurtre. Le corps d’une jeune femme, Alaska Sanders, est retrouvé au bord d’un lac. L’enquête est rapidement bouclée, la police obtenant les aveux du coupable et de son complice.Onze ans plus tard, l’affaire rebondit. Le sergent Perry Gahalowood, de la police d’État du New Hampshire, persuadé d’avoir élucidé le crime à l’époque, reçoit une troublante lettre anonyme. Et s’il avait suivi une fausse piste ?L’aide de son ami l’écrivain Marcus Goldman, qui vient de remporter un immense succès avec La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert, inspiré de leur expérience commune, ne sera pas de trop pour découvrir la vérité.« 

Un meurtre résolu depuis plus de dix ans. Un homme enfermé depuis tout ce temps pour un crime qu’il dit ne pas avoir commis. Une fois sorti de prison, on apprend que c’est finalement lui le tueur. Fin. Cela aurait pu être l’intrigue classique, telle que mise en scène à mainte reprise dans les romans et autres thrillers psychologiques sur grand écran.

Mais c’est là qu’est la force de Joel Dicker, de casser les codes, de faire douter le lecteur quant aux vérités acquises, de brouiller les pistes et de nous perdre dans des détails importants, même si insignifiants de prime abord. C’est d’ailleurs un simple détail qui perdra le coupable, et c’est cela que j’affectionne dans ce genre de cold case.

L’affaire Alaska Sanders via en outre clore la trilogie autour de l’auteur Marcus Goldman, de son parcours initiatique d’écrivain , de sa mue en tant qu’homme, de ses blessures intimes qui ont trouvé un pansement, universel, qu’est le temps.

Comme à chaque fois, mon avis est totalement subjectif, et propre à mes goûts, mes émotions, mes moments de vies et le besoin de lecture associée. Et comme à l’accoutumé, le roman de Joel Dicker a fait office de cabane impénétrable le temps de quelques heures.

Bonne lecture à vous !

L’affaire Alaska Sanders de Joël Dicker est disponible aux éditions Rosie & Wolfe