Jolies Choses – Janelle Brown

Thriller psychologique

« L’enfer, c’est les autres » Huis-Clos, Jean-Paul Sartre.

En 2011, j’ai quitté ma Bretagne chérie pour aller vivre – et accessoirement travailler – à Paris. Pourquoi ce choix quand bon nombre de personnes de ma promotion préférait rester dans un environnement familier me demanderez-vous ? Parce qu’outre le fait que la plupart de mes amis proches y vivaient à l’époque – nous avons tous fui depuis – j’étais attirée par le faste, les lumières de la ville. Les réseaux sociaux étaient moins prépondérants que maintenant, mais les blogs modes et d’humeur des filles de mon âge pullulaient, et la possibilité d’être une Carrie Bradshaw 2.0 assez attrayante. Cette série qu’est Sex in the City, bien que géniale, nous aura quand même bien lavé le cerveau.

Puis vint l’ère des Foursquare et autre Twitter – RIP le premier et au secours mon second désormais (je parle d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître). Avec ce sentiment de ne jamais être au bon endroit au bon moment, de toujours louper quelque chose de mieux – de mieux en quoi on ne sait pas – et de ne plus jouir pleinement des moments plus vrais, plus intenses, de ceux qui vous créent de vrais souvenirs.

Ces dernières années, Instagram est devenu la plateforme chouchou des influenceurs et autres blogueurs, montrant des vies aux esthétiques léchées, des corps aux plastiques parfaites, des lieux somptueux des vies de rêves. En parallèle, la temps a filé, la maturité a pointé le bout de son nez. Paris est devenu plus grises, les paillettes ont bavé pour finir par s’estomper. Le réseaux c’est bien, il faut savoir lire entre les lignes. La vraie vie est tellement plus belle, avec ses imperfections du quotidien. Même si j’aime cet environnement ouaté qu’est mon bookstagram, et que j’essaie de rendre belles mes photos. Schizophrénie des temps modernes, quand tu nous tiens.

Des profils publics aux photos fastueuses peuvent susciter envie, jalousie… et même parfois donner l’idée de fomenter l’arnaque du siècle. Instagram est le terrain de chasse de la terrible Nina pour repérer ses futures proies, quand il donne su lustre et un intérêt à la vie de Vanessa, riche héritière désœuvrée. Bienvenue dans Jolies Choses de Janelle Brown.

« Deux femmes. Nina gagne sa vie en escroquant la jeunesse dorée de Los Angeles qu’elle traque sur les réseaux sociaux. C’est une vieille histoire… Enfant, elle a déjà vu sa mère se débrouiller pour lui donner une vie digne de ce nom en se jouant allègrement de la légalité. Aujourd’hui, Nina est prête à tout pour sauver sa mère gravement malade, même à tenter le coup le plus audacieux, le plus dangereux de sa carrière…
Vanessa est une jeune héritière, au compte en banque illimité, qui rêve de laisser son empreinte sur le monde, de faire de grandes choses. Pour l’heure, elle se contente d’être influenceuse sur Instagram. Mais derrière la façade plaquée or, sa vie est émaillée de drames…
C’est au bord du lac Tahoe, dans une somptueuse villa, que Nina et Vanessa se rencontrent. Mais qui sait si leurs chemins ne se sont pas déjà croisés ? Désir, duplicité et vengeance… Qui ment, qui tire les fils de l’incroyable jeu de tromperie et de destruction qui s’installe entre les deux femmes ? Une seule certitude : c’est une question de survie.
« 

Nina. Dont le passe temps favori est de jouer aux chats et à la souris avec des riches personnes désœuvrées, qu’elle va intelligemment plumer. Assez peu pour qu’ils s’en inquiètent, assez pour lui permettre dans faire son gagne pain et prendre une revanche sur la vie quelle n’a pas eu. Sur la chance qui n’a jamais été sienne. En bref, de prendre de revers la fortune.

Vanessa. Dont le passe temps favori est le selfie dans les dernières créations Haute Couture, avec ses amies influenceuses, qui l’accompagnent dans toutes ses tribulations. Jusqu’à ce qu’elle décide de changer d’images et de se recentrer sur ses valeurs, et ses origines. S’ancrer à la terre et s’attirer des foudres de ceux qui tantôt l’adulait.

Deux femmes. Liées par un passé qu’elles n’ont pas partagé mais qui les rattrape malgré tout. Liées par des faux semblants dont elles usent jusqu’à la corde, au point de ne plus être certaines de qui elles sont vraiment, de savoir quelles sont leurs personnalités propres. Liées par les jolies choses, rappels de souvenirs en tous genres, de blessures encore vives, de plaies toujours béantes. Peut-il être malgré tout concevable que ces bluseuses deviennent les blusées ?

Avec Jolies Choses, Janelle Brown passe au vitriol les réseaux sociaux, et la perception que nous avons des contenus auxquels nous sommes soumis. Quand certains sont prêts à sacrifier leurs âmes pour que des inconnus les adulent, courant après un nombre de like incommensurables, d’autres convoitent leurs vies – aussi irréelles puissent elles être, et les jalousent en tapinois. Le jeu n’en vaut clairement pas la chandelle, puisque la vérité est souvent autre.

Belle lecture à vous !

Jolies Choses de Janelle Brown est disponible aux éditons Les Arènes, collection Equinox

L’œil du paon – Lilia Hassaine

Thriller psychologique

« Tout être beau a l’orgueil naturel de sa beauté et le monde aujourd’hui laisse son orgueil suinter de toutes parts. » Extrait de Noces à Tipasa d’Albert Camus. Et quelle créature plus légitime pour parader qu’un paon majestueux, au plumage couronné d’un camaïeu de bleu, faisant la cour à ses promises.

Paris. Ville lumière qui appâte au loin dans son halo, tel le phare des marins dans la nuit noit. Cette ville aux multiples facettes, qui forgent des personnalités aux fils de ses nuits débridées, de ses nuits sans sommeil, de ses nuits sans autre but que de se sentir vivant. De ses journées ensoleillées mais ensommeillées, où le paraître brille de ses plus beaux atours, à s’en brûler la rétine. A s’en brûler les ailes.

Adonis. Amant mythique d’Aphrodite et Persephone, symbole dès saisons et des fins tragiques. Des amours désastreuses. Adonis, veuf et père aimant, se pavanant au milieu de ses paons et de sa fille.

Hera. Femme de Zeus. Déesse toute puissante. Fille d’Adonis, aux croyances mystiques chevillées au corps. Exilant sa fille pour son salut, ne sachant pas qu’ainsi il devient le maître de sa perte.

Gabriel. L’archange, le protecteur. Qui se mue en Belzebuth, et profane le plus pur des trésors.

Des personnages aux œillères magistrales, dans un huis clos flamboyant. Préférant de loin la valses des apparences, maintenues par des paradis artificielles socialement tolérables et tolérées. Hera, heroine tragique embrassant à merveille son prénom antique.

Une claque que ma lecture de l’œil du paon de Lilia Hassaine, qui m’a maintenue en haleine jusqu’au dénouement, à la hauteur de la tragédie contemporaine qui se joue devant nos yeux.

Belle lecture à vous !

L’œil du paon de Lilia Hassaine est disponible aux éditions Folio

Une bête au Paradis – Cécile Coulon

Thriller psychologique

« Ses lèvres vinrent sur les miennes se poser // Et je sentis au cœur une vague brûlure » Jules Supervieille, Le portrait. Quand l’amour se mue en passion, qu’elle dérègle la raison, en point que l’Homme devient bête et perde à jamais son empathie, sa part d’humanité.

Une bête au Paradis, Cécile Coulon

Je suis une fille de la ville. Pas que je voue un culte aux rues bétonnées, mais parce que je m’y sens plus à l’aise, plus à ma place. Parce que le bruit de la foule m’effraie moins que le murmure calme de la campagne. Voire de son silence absolu. Parce que la nuit urbaine trace dans son sillage des lumières artificielles, a contrat de la nuit provinciale, noire, ténébreuse.

Je suis une fille de la ville. Circonstancielle. Parce que j’y suis née, j’y ai grandi. Et que j’ai toujours été appelée par les lumières plus grandes, des terrains de curiosité, de rencontres culturelles, spirituelles. De celles qui marquent une vie. Pour le pire comme pour le meilleur. Malgré cela, je chéris la campagne des mes vacances, de cette part d’enfance enfouie en mois. Des été dans la ferme de mes cousines, des visites aux veaux dans la crèche, des parties de cache cache dans les meules de foin.

Je suis une fille de la ville. Typique. Qui adore s’évader ailleurs dès qu’elle peut. Et c’est ainsi que j’ai foulée de mes pieds le Paradis, dans une bête au Paradis de Cécile Coulon : « Dans sa ferme isolée au bout d’un chemin de terre, appelée le Paradis, Emilienne élève seule ses deux petits-enfants, Blanche et Gabriel. Devenue adolescente, Blanche rencontre Alexandre, son premier amour. Mais, arrivé à l’âge adulte, le couple se déchire lorsqu’Alexandre, dévoré par l’ambition, exprime son désir de rejoindre la ville tandis que Blanche demeure attachée à son coin de terre.« 

La Paradis. Nom antinomique pour un lieu marqué de drames et larmes. De dur labeur qui empêche de s’apitoyer sur ce qui aurait pu être, sur ceux qu’on aurait pu devenir. La Paradis comme lieu d’un huis clos poisseux. Comme protagoniste à part entière de la naissance de la bête.

Blanche. Orpheline, brisée dans sa chaire depuis sa plus tendre enfance. Amoureuse de sa terre. Amoureuse d’Alexandre. Avec cette farouche volonté que le Paradis soit le sien. Alexandre. Fils unique à la terne famille. Qui brille par sa gentillesse. Par sa beauté. Qui a cette farouche volonté de devenir quelqu’un. Oui, mais surtout ailleurs. Une bête cachée en tapinois rode et observe ses proies.

Je découvre Cécile Coulon avec Une bête au Paradis et j’ai été littéralement transportée par sa plume, précise, qui nous emmène au cœur de l’intrigue dès les premières lignes et qui nous subjuguent au point de regretter que sa lecture soit déjà finie. Un vrai coup de cœur.

Belle lecture à vous !

Une bête au Paradis de Cécile Coulon est disponible aux éditions Le livre de poche.