Blackwater – Michael McDowell

Horreur

Pourquoi se baigner dans la Perdido quand on peut manger de la Tarte aux pommes. Pourquoi être tributaires des crues quand on peut l’être des hiboux. Pourquoi parler de Blackwater quand on peut parler de Twin Peaks.

Il était une fois une petite ville retirée, dominée par les scieries et l’hôtellerie. Son café et sa tarte aux pommes étaient légendaires. Ainsi que l’un de ses invités, aussi charismatique que clairvoyant, lié au paranormal mais sans s’en soucier plus avant. Permettez moi de vous présenter Dale Cooper et Twin Peaks. Si le héros existe, il lui faut un pendant manichéen, le nommé Bob, être maléfique, tout droit sortie de la Black Lodge, au fond de la forêt épaisse, caché de tous, mais au centre de tout.

Il était une fois Laura Palmer. Héroïne décédée qui hante les esprits des vivants, dont l’aura est nimbée de mystères, le passé d’incohérences et le parcours semé de jalousie. Personnage centrale de toutes les intrigues, sa personnalité aux milles visages brouille les pistes, agace souvent, émeut parfois.

Il était une (seconde fois) Dale Cooper, agent du FBI parfait, charmant et intelligent, qui résout les mystères avec flegme et brio. Flanqué de son dictaphone grâce auquel il communique avec son assistante Diane. Dont on se demande si elle n’est pas un pur produit de son imagination florissante.

Il était une fois une kyrielle de personnages secondaires hauts en couleur, de lieux iconiques, de répliques mythiques. Si vous êtes déjà fan ou souhaitez en découvrir Twin Peaks, je vous conseille l’excellent podcast Amies, de Slate.fr, qui rebalaie chaque épisode avec intelligence et humour.

Et sinon, ruez-vous en librairie et lisez Blackwater. Vous y retrouverez les ingrédients cités ci avant, distillés différemment, pour un résultat tout aussi plaisant.

Excellente lecture à vous !

Blackwater – La crue – La digue – La maison – La guerre – La fortune et La pluie – de Michael McDowell est disponible aux éditions Monsieur Toussaint Louverture

Après – Stephen King

Horreur

« A mon avis, ce qui suit est une histoire d’épouvante » nous prévient le narrateur dès les première lignes. Comme une précision quant à une plume, un style, familiers s’il en est, mais que certains ne connaissent encore que comme une légende et non un fait établi. Habile mise en abîme, qui m’a fait me caler un peu plus confortablement dans mon fauteuil, pour lire ce roman d’une traite.

Après, Stephen King

Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu de romans de Stephen King. Cela date du lycée (hier donc) (c’est faux). Cette histoire de lecture compulsive et monomaniaque qui a tout de même durée une bonne année s’est terminée, après avoir lu la quasi totalité de sa biographie de l’époque, avec Le Fléau. Il faut dire qu’à l’époque j’avais attrapée un rhume au moment de ma lecture, et que cela avait engendré quelques mauvais rêves.

Stephen King et moi, c’est une histoire de masochisme. Chacun de ses livres lus m’a flanquée une frousse terrible, au point d’être tentée de mettre le livre dans le congélateur. Cujo en particulier. Ayant déjà une phobie des chiens sacrément handicapante quand on entreprend de faire des footings en campagne, ce choix n’était pas le plus judicieux. Mais j’ai aimé avoir peur, car la terreur est savamment dosée, et le contexte poisseux à souhait.

Dix-huit ans plus tard, je me suis décidée à renouer avec mon ancien amour lycéen, avec Après, dernier Opus en date de l’auteur : « Grandir, c’est parfois affronter les démons qui vous hantent. Jamie n’est pas un enfant comme les autres : il a le pouvoir de parler avec les morts. Mais si ce don extraordinaire n’a pas de prix, il peut lui coûter cher. C’est ce que Jamie va découvrir lorsqu’une inspectrice de la police de New York lui demande son aide pour traquer un tueur qui menace de frapper… depuis sa tombe. »

Comme à l’accoutumé, je me suis laissée happée par ma lecture, en y voyant des signes du destin toutes les trois pages, comme les mentions à la série The Wire que je découvre depuis peu, ou encore celles de Destination Finale, dont j’ai écouté le podcast de 2 heures de perdues il y quelques jours.

L’histoire quant à elle n’est pas d’une originalité à toute épreuve, reprenant des références de la pop culture bien connues du grand public mais elle a fonctionné sur moi. Le narrateur, jeune garçon puis adolescent, nous livre son vécu extraordinaire sous forme d’une histoire impeccablement rôdé, qui se veut ordinaire par beaucoup d’aspects, où se glisse de temps à autre des sauts dans son passé ou son avenir. La fin m’a malgré tout laissée sur ma faim, la trouvant un peu facile, sans le revirement spectaculaire que j’attendais.

Je ne saurai dire si Après est un grand cru du maître, mais je me suis perdue dans cette lecture, qui m’a tirée quelques cauchemars, alors je peux vous dire que ca a été un bon roman pour moi. Je pense d’ailleurs renouer avec cette relation masochiste trop longtemps laissée pour compte dans les semaines à venir.

Bonne lecture (et cauchemars) à vous !

Après de Stephen King est disponible aux éditions Albin Michel

Né d’aucune Femme – Franck Bouysse

Horreur

Esclave : (nom féminin*) Personne qui n’est pas de condition libre, qui est sous la puissance absolue d’un maître. La plus grande richesse n’est elle pas après tout notre liberté qui nous permet de jouir de nos droits, comme bon nous semble, même si notre vie est faite de misère et de tourments.

La psyché humaines est un sujet qui me fascine depuis longtemps. C’est certainement mon empathie de Poissons qui me veut cela. Ainsi depuis quelques semaines, , je suis assidûment avec une attention accrue le podcast Cerno, la contre enquête de Julien Cernobori, sur la série de meurtres perpétuées dans les années 1980, dans l’Est Parisien, par Jean-Thierry Mathurin et Thierry Paulin. Le parti pris dans le traitement de l’information est à mes yeux parfaits : en faisant un travail de mémoire sur les victimes, on en apprend plus sur les deux assassins, de notre point de vue contemporain, mais également via le prisme de cette époque de presque quarante révolu.

Quel est rapport avec Né d’aucune Femme de Franck Bouysse me direz vous ? A vue de nez aucun. Si ce n’est que les pires horreurs ne sont pas toujours de l’ordre du fictif. Si ce n’est que les pires horreurs puissent être commises par le seul appât du gain. Certains sont prêts à vendre leurs âmes au Diable pour quelques deniers récoltés. Quelqu’en soit le prix à payer. Même si ce prix se paie en vie humaine.

« […]Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin. Franck Bouysse, lauréat de plus de dix prix littéraires, nous offre avec Né d’aucune femme la plus vibrante de ses oeuvres. Ce roman sensible et poignant confirme son immense talent à conter les failles et les grandeurs de l’âme humaine. »

Rose. Ma fleure préférée, tant vantée par sa beauté et ses senteurs, qu’elle en est devenu un symbole de l’amour. Rose. Jeune fille à l’innocence ravie par sa condition nouvelle de jeune femme, dont le père en la vendant, à signer sa perte. Leur perte. Rose. Jeune femme à la pureté broyé par ceux qui ne voyaient en elle qu’un ventre, qui l’ont rabaissé à sa condition la plus primaire et primitive, celle de donner la vie. De forces s’il en faut. Rose ou la naissance du sentiment maternel, l’amour et l’espoir qui lui sont liés. Rose ou la folie ordinaire d’une femme à qui l’on a tout volé, jusqu’à sa liberté.

L’horreur connaît-elle des limites ? Il semblerait que non. J’ai vécu une aventure profondément gothique, dans une ambiance malsaine, qui n’a pas été sans me rappeler Rosemary’s baby d’Ira Levin. La violence est partout, et l’espoir se meurt au fil des pages, et pourtant on s’y accroche désespérément. Avec Né d’aucune Femme, Franck Bouysse signe un roman fort, voire gore. La mort comme ultime liberté.

Belle lecture à vous !

Né d’aucune femme de Franck Bouysse est disponible aux éditions Le livre de Poche

*dans le contexte du Roman