Les bruits du souvenir – Sophie Astrabie

Feel Good

« Savoir, c’est se souvenir« , Aristote. Nos souvenirs s’estompent avec le temps, pour se magnifier le plus souvent. Ne reste que le doux, le beau. Parfois, toutefois, ce sont les remords et les regrets qui priment. Nous poussant à regardant son passé et celui des autres, avec un regard froid, clinique, autopsiant chaque instant à la recherche d’une clé de lecture, de son passé comme guide de son futur.

Les bruits du souvenir, Sophie Astrabie

Il est commun je pense de revenir sur les lieux de son enfance avec ce pincement au cœur et ces fourmillements dans le ventre propre à l’excitation de revoir un lieu, un être cher. Les années passent et le filtre arc en ciel des yeux enfantins se sont estompés, des centimètres ont été pris. Et toute une perspective, une perception peut alors changer. Jusqu’à être déçu parfois.

Il est commun je pense lors de repas de famille ou de retrouvailles entre amis de revenir sur ces moments, vécu ensemble ou séparément, qui font notre histoire, qui sont nos liens. De ces souvenirs qui nous ont construits en tant que personne, en tant qu’amis, en tant que famille.

Dans le cas de Claire, ses souvenirs n’ont laissé que des fissures, des cicatrices à peine fermées qu’elle traine tel un fardeau. Et si Les bruit de ses souvenirs allaient lui permettre de se reconstruire, de faire fi de ses croyances erronées et avancer sous la plume de Sophie Astrabie. « Après la mort de sa mère, Claire découvre que celle-ci lui a légué un carnet ainsi qu’un appareil photo dans lequel se trouve une pellicule. Le lien entre les deux objets ? Un petit village de l’Aveyron où la jeune femme a passé les étés de son enfance. Il n’en faut pas plus pour la décider à tout quitter. Sous une autre identité, Claire s’installe à Marelle, en quête de ce passé flou et de cette mère qui lui a si souvent échappé. Au fil des pages et des clichés, elle découvre des souvenirs qui vont bousculer ses croyances…..« 

Une vie pétrie de regret. De ce qu’on traine en bandoulière depuis l’enfance. Celui de n’avoir des repères parentaux faussés, par l’absence laissé par un père, et par la même une présence forte de ce que ne devrait pas être les relations aux hommes, quand on est une fille, un femme. Celui de ne pas comprendre sa mère, qui nous semble étrangère, jusque dans son décès.

Une fuite comme échappatoire. La fuite comme renaissance. L’avenir en point de mire, en construction dans le lieu qui résume le mieux le passé, au fil des souvenirs posée sur un cahier une trentaine d’année plus tôt. Et si s’accaparer les souvenirs des défunts permettaient de se comprendre soi-même ?

Avec les bruits des souvenirs, Sophie Astrabie nous offre une réflexion sur le poids de notre passé – conscient et inconscient – qui nous façonne malgré nous et la manière d’y remédier, cette fois-ci, en toute conscience, ou tout du moins en toute connaissance.

Belle lecture à vous !

Les bruits du souvenir de Sophie Astrabie est disponible aux éditions Flammarion

La bibliothèque de minuit – Matt Haig

Feel Good

« Les folies sont les seules choses que l’on ne regrette jamais » écrivait Oscar Wilde. Saisir de folles opportunités quand on ne s’y attend pas ou plus, lâcher du leste et perdre le contrôle ne serait ce que quelques heures. Et si c’était de ces moments que se composaient nos meilleurs souvenirs ou à défaut notre absence de regrets ?

La bibliothèque de Minuit, Matt Haig

A quinze ans, la jupe superposée à mon pantalon trop grand et mes écharpes multicolores, j’étais pressée d’en avoir dix-huit. Comme si cela allait révolutionner ma vie, faire de moi l’adulte que je pensais être. Avec mon visage poupin et mes boucles d’oreilles en bois dépareillées. J’avais hâte de grandir, quitter l’enfance et être considérée comme « une grande ».

A vingt-cinq ans, la boucle blonde et l’œil noir, je trainais ma garde de robe flambant neuve de bretonne exilée à Paris, persuadée de tout savoir, le sourcil perpétuellement haussé par ce jugement donné aux autres. Pensant que dormir le moins d’heures possibles et d’écumer le plus de bars branchés au fil des soirées étaient un projet de vie.

A trente-cinq ans -depuis quelques jours – je suis apaisée avec celle que je suis, assumant mes choix de vie, ainsi que mon caractère bien trempé. Je ris des mes « mois » précédants, mais qui ont malgré tout forgé celle que je suis désormais. Avec à minima je l’espère un meilleur sens de l’esthétique. J’ai appris à faire fi de mes regrets, ne pas m’appesantir dessus, et d’être bienveillante envers des actes manqués. A l’inverse de Nora Seeds, l’anti héroïne de Matt Haig, qui accuse au même instant un flagrant constat d’échec dans La bibilothèque de minuit : « À trente-cinq ans, Nora Seeds a l’impression d’avoir tout raté. Lorsqu’elle se retrouve un soir dans la mystérieuse Bibliothèque de Minuit, c’est sa dernière chance de reprendre en main son destin. Si elle avait fait d’autres choix, que se serait-il passé ?
Avec l’aide d’une amie bibliophile, elle n’a qu’à prendre des livres dans les rayonnages, tourner les pages et corriger ses erreurs pour inventer la vie parfaite. Pourtant, les choses ne se déroulent pas comme elle l’imaginait.
Avant que minuit sonne, pourra-t-elle répondre à l’énigme la plus importante : qu’est-ce qu’une vie heureuse ? »

Une bibliothèque comme lieu de transition. Quand le point final n’a pas encore a être apposée à la fin d’une vie. Les livres offerts comme scénarios des vies autres, qui auraient pu être la sienne, si une phrase ou un acte avait différé, chamboulant tout sur son passage, tel un effet papillon. Des regrets à évacuer, de ne pas avoir su prendre les bons choix, d’avoir pu blesser les autres. Le regret de s’être oubliée et perdue.

Une bibliothèque et ses livres comme planche de salut de l’âme et du cœur, permettant d’entrevoir un avenir meilleur quand on a décidé de ne plus en avoir.

Si le postulat de base est original, et que les questions abordées sont pertinentes quant à nos vies et ses choix, je suis littéralement passée au travers de la Bibliothèque de minuit. Le roman de Matt Haig ne m’aura pas séduite comme je l’aurais souhaité.

Belle lecture à vous !

La bibliothèque de minuit de Matt Haig est disponible aux éditions Mazarine

En attendant Bojangles – Olivier Bourdeaut

Feel Good

« Certains ne deviennent jamais fous. Leur vie doit être bien ennuyeuse. Seuls les fous et les solitaires peuvent se permettre d’être eux-mêmes. Les solitaires n’ont personne à qui plaire et les fous s’en foutent complètement de plaire ou pas. » Charles Bukowski.

En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut

Certaines fois, enfin si on veut être totalement honnête dans la quasi totalité des cas, je fuis la tendance, en termes d’art. Ou peut être que je me pique de le faire pour me sentir moins mouton que je ne le suis réellement. Nous sommes après tout plusieurs dans ma tête, en tant que Poissons ascendant Gémeaux. Sur des idées reçues, préconçues.

Certaines fois, par une pugnacité exacerbée, qui ne rime à rien, je manque de passer à côté de pépites. Et s’il n’y avait pas eu une adaptation, je serai surement passée à côté de la lecture d’En attendant Bojangles, d’Olivier Bourdeaut, et ça aurait été un erreur. « Devant leur petit garçon, ils dansent sur « Mr. Bojangles » de Nina Simone. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir et la fantaisie. Celle qui mène le bal, c’est la mère, feu follet imprévisible. Elle les entraîne dans un tourbillon de poésie pour que la fête continue, coûte que coûte. L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom.« 

La douceur du regard d’un fils sur ses parents. Sa narration enfantine qui fait de vie atypique une fête. Que l’on perçoit comme tel au début. Puis s’entrecoupe la voix d’adulte, celle la raison, celle de son père. Une femme fantasque, devenue mère. Dont la fantaisie va se faire folie. Folie sans garde fou, abyssale, destructrice.

Pourtant c’est l’espoir et l’amour qui brulent plus fort au fil des pages. C’est le regard pétillant d’un enfant qui vit sa vie à travers un trombinoscope pailleté, où chaque jour est une fête. Où la réalité n’a pas la place dans ce monde construit par ses parents. Un subterfuge en guise de forteresse.

Une superbe histoire d’amour, de la passion à la folie, qui m’aura ému aux larmes.

Belle lecture à vous !

En attendant Bojangles d’Olivier Bourdeaut est disponible aux éditions Folio