« Il avait envie de tomber, de courir, d’être emporté au loin, comme une rivière » d’après La Statue mutilé de T. Williams. Quand on se sait condamné – à une vie d’errance, de misère, à une fin inéluctable – la liberté nous semble être la plus douce des possibilités.

Le permis de conduire et moi c’est une longue histoire. J’en suis titulaire depuis plus d’années que de doigts que mes mains peuvent compter mais le chemin de l’obtention fut épique. Moi qui n’aie jamais aimé les QCM, le code a été pour moi un supplice multiple. La pratique a été pire, à tel point que j’ai changé par deux reprises d’auto école et que je m’étais résignée à rester enfermer dans un donjon telle Raiponce. L’obtention de ce papier rose a longtemps été le symbole de liberté, puis d’angoisse, et maintenant oublié au fond de mon sac à main.
Le permis de conduire. Ce sésame rêvé par le narrateur, le sus nommé Tournevis, comme symbole de sa liberté tant chérie, lui qui n’a pourtant aucun fil à la patte. Ce but dans la vie, celui qui lui permet d’avancer, celui qui lui donne une perspective. Dont un échec va avoir un effet papillon dévastateur sur sa vie. « D’un côté, un jeune homme, seul, raconte sa vie et son ultime tentative pour s’en tirer. Enfant placé de foyer en foyer, désormais orphelin, majeur et libre, il veut partir. Avec ses maigres économies, il s’inscrit dans une auto-école pour passer son permis et trouve une voiture abandonnée où vivre provisoirement.
De l’autre côté, trois individus, une femme, deux hommes, attendent dans une maison du Sud de la France. Ils ne se connaissent pas, travaillent pour une organisation, sont chargés de trouver un homme pour l’accueillir, prendre soin de lui, et enfin le livrer. Mais à qui et pourquoi ? »
Deux narrations. L’une omnisciente, qui présente trois personnages liées par un tacite pacte avec leur propre démon. L’autre, à la première personne. Deux narrations alternées, qui se font échos, dont on sent l’entrelac poindre au fil des pages. Dont la tension dramatique dépend. Dont un drame que l’on sait depuis la première page se forme.
Deux narrations. Deux prisons. La vie à trois inconnus dans un but précis, dans une danse parfaitement chorégraphiée d’habitudes et de manies, pour tenir jusqu’au bout. La vie seule, en marge, quand celle en communauté n’a apporté que mépris et violence. Une confiance qui ne peut plus être accordée sans savoir qu’il y aura toujours un prix à payer.
D’Oscar Coop-Phane, je suis tombée amoureuse de sa plume. Incisive, vive et caustique. De se regard clinique qu’il porte sur le monde, ses semblables, sans pathos ni jugements, mais dont il dépeint à merveille les pires exactions. J’ai lu Tournevis en quelques heures, d’une traite. De cette apnée dont vous savez que vous ne ressortirez pas indemne. En bref, j’ai beaucoup aimé son dernier roman.
Bonne lecture à vous !
Tournevis d’Oscar Coop-Phane est disponible aux éditions Grasset
Je le commence aujourd’hui. Moi aussi, j’aime l’univers de cet auteur. Je ne rate aucun de ses romans
J’aimeAimé par 1 personne