Caricature (nom féminin) portrait peint, dessiné ou sculpté qui amplifie certains traits caractéristiques du sujet. Souvent humoristique, la caricature est un type de satire graphique quand elle charge des aspects ridicules ou déplaisants. Si à l’origine elle tend à faire rire, certain des sujets qu’elle traite peuvent valoir à ses auteurs d’être menacés de morts. Mais pouvons nous encore nous définir comme libres si notre liberté d’expression est muselée ?
De mes dix années passées à Paris, dans cette décennie qui vient à peine de s’écouler, j’ai subi deux traumatismes, qui ont marqué au fer rouge mon âme et mon cœur – comme tout à chacun me direz vous. Le premier, les attentats de Charlie Hebdo. L’incompréhension, tout d’abord. L’effarement par la suite. La peur pour finir. Qui s’est estompée peu à peu, sans véritablement s’en aller. Nous étions devenus Charlie. Le second, le 13 Novembre. Choc sismique. La peur refaisant surface à chaque regard, chaque bruit, chaque pas dans la rue. La peur de vivre chevillée au corps. En un mot la terreur.
La liberté d’expression, la liberté de vivre comme bon nous semble. C’est ainsi qu’il y a dix ans la caricaturiste Molly Norris s’est insurgée pour la liberté des ses pairs, au travers d’un de ses dessins, qui a été relayé dans le monde, via les réseaux sociaux. Ils sont fabuleux autant que dangereux. Et c’est dans ce second cas que la jeune femme s’est vue dépossédée de son dessin et de son humour, qui a été relayée voire déformée pour transmettre des messages bien moins consensuels. Et que sa vie a basculée. Sophie Carquain revient sur ces quelques semaines d’une vie somme toute normale qui a basculé dans la clandestinité la plus totale, dans le roman de Molly N.: « Pour ses amis et sa famille, Molly N. a disparu en septembre 2010. Plus aucun signe d’elle. Menacée de mort par une fatwa suite à un concours de caricatures du prophète Mahomet, la cartoonist de Seattle a dû intégrer le programme de protection de témoins du FBI, changer de ville, de nom, d’identité. Comment renaître à l’autre bout du monde ? Comment vivre sous haute protection ? Cela fera bientôt dix ans qu’elle a disparu. Fascinée par cette histoire, dont elle entend parler le 7 janvier 2015, jour de l’attentat contre Charlie Hebdo, Sophie Carquain décide d’en faire un roman.«
Le roman de Molly N. a cela d’intéressant qu’il est une oeuvre fictive et non un témoignage. Basée sur la disparition d’une femme il y a 10 ans, dont on ne sait si elle vit encore ou non. Dont on se demande comment elle peut vivre – ou survivre – en ayant renoncer à celle qu’elle était. Pour simplement jouir de cette vie qui est sienne, mais qu’elle ne peut plus réellement vivre comme tel.
Comment peut on perdre le contrôle de ce qui nous définit sans se perdre soi même ? Comment apprend on a vivre dans la terreur quand son ombre devient un agent armé et que tout lien d’amitité naissante peut se muer en menace potentielle ? Comment fait on le deuil d’une personne vivante, celle que nous étions dans une vie antérieure ?
Sophie Carquain essaie de répondre à ses questions avec un postulat de journaliste, factuel et sans pathos. Mettant en parallèles les attentats terroristes qui ont défigurées Paris en perspective de la vie (fantasmée) de Molly. En outre, l’alternance de la vie de Molly et du journal de Sophie nous plonge dans un monde nébuleux, dont la frontière entre la vérité et le romancé nous semble être plus que jamais poreux.
Cette lecture du roman de Molly N. m’a beaucoup fait réfléchir quant à cette liberté qui nous guide, mais qui peut nous consumer également, impunément et ce malgré nous. Car corrompu par l’irrespect et la méchanceté, qui gangrène ces réseaux dits sociaux, qui tendent à faire de nous des asociaux liberticides.
Bonne lecture à vous !
Le roman de Mollly N. de Sophie Carquain est disponible aux éditions Charleston