Tant que vivra le Jazz

Thriller

Mascarade : (nom féminin) mise en scène trompeuse. Ce terme désigne un simulacre, une comédie. Prenez des pantomimes qui s’affolent autour de leur marionnettiste mafieux,  ajoutez y une pincée de détectives – en herbe pour certain, rompus à l’exercice pour d’autres, et distillez le tout dans le Chicago corrompu des années 1940. Vous voilà servis.

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Il y a longtemps que je n’avais pas subi autant de frustration dans une lecture  qu’avec Mascarade de Ray Celestin. Autant la lecture m’a délectée, autant j’ai manqué de temps, d’occasion pour avancer dans l’intrigue. Me retrouvant ainsi à lire les mêmes passages à deux ou trois reprises. Cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé et il me tarde d’être en vacances pour lire à tête reposée. J’ai le projet fou de lire Anna Karenine, sans être embêté par mon Smatphone ou autre sollicitation triviale. Le rosé n’en fait bien évidemment pas partie.

Car je la voulais ardemment cette lecture, tant j’avais avec Carnaval été le témoin d’une belle surprise, tant par la qualité de narration que par l’intrigue en elle même. J’ai vécu dans cette moiteur étouffante et tempétueuse de la Nouvelle Orléans, et n’ai pu m’en défaire tout au long de cette lecture. J’ai souhaité réitéré l’expérience dans la foulée avec Mascarade.

Changement de décor. Chicago. Changement de temporalité. Les années 1940. Changement d’ambiance. La prohibition bat son plein et la ségrégation n’est plus. En théorie. La corruption est le maître mot. Al Capone a à peine la trentaine et a la ville à ses pieds. Pour l’anecdote, j’ai toujours trouvé cela génial qu’un criminel de grande envergure qui avait les politiques dans sa poche tombe pour évasion fiscale.  Avant d’aller plus avant, je vous glisse les quelques lignes du quatrième de couverture : « Du ghetto noir aux riches familles blanches, en passant par la mafia italienne tenue par Al Capone, Chicago vit au rythme du jazz, de la prohibition, et surtout du crime. Alors que des mafieux et des politiques meurent empoisonnés après un dîner, les détectives Michael Talbot et Ida Davis enquêtent sur la disparition, à la veille de leur mariage, d’un couple de fiancés appartenant à la plus riche dynastie de la ville. Au même moment, Jacob Russo, photographe pour la police, se trouve confronté à une scène de crime qui lui en rappelle effroyablement une autre. »

La terreur règne à Chicago. Les ghettos pullulent et la drogue est monnaie courante. Cette partie m’a d’ailleurs étonnée. Je savais que la prohibition avait vu l’émergence de l’alcool de contrebandes, et que sa consommation était illégale, mais je ne savais pas que la drogue prenait un tel poids. Ni que Capone se refusait à la commercialiser. Bien que ces truands de grandes envergures soient des gougnafiers de première, il n’en avait pas moins une certaine élégance. Certes relative, mais élégance quand même. L’auteur pousse le vice jusqu’à donner un visage humain à Capone en parlant de la manière (romancée) dont il a découvert qu’il était atteint de la syphilis. Tâche ardue mais néanmoins réussie.

Dans une atmosphère lourde et électrique, où se mêlent jazz et disparitions mystérieuses, j’ai eu plaisir à retrouver les détectives Ida et Michael, ainsi que Louis Armstrong. Vous pouvez me targuer d’idiote si cela vous chante mais je n’avais pas compris que Lil Lewis était ce grand trompettiste de génie. Je comprends vite, mais il faut m’expliquer longtemps. Ces trois personnages récurrents gagnent en profondeurs et prennent de l’épaisseur. Cela permet de nous rappeler que dix ans ce sont écoulés depuis notre dernière rencontre. Cette phrase révèle à elle seule toute la magie de la littérature. Elle nous permets de vivre mille vies au côté de mille et un personnages antagonistes.

L’apparition d’un nouveau personnage m’a grandement fascinée, Dante le Gentleman. Il porte à son nom seul l’enfer qu’est sa vie. Bien qu’il soit héroïnomane, il est droit et respecte l’honneur, qui faisait la marque des bandits de grande envergures. J’aime d’amour ce genre de protagoniste torturé et nihiliste, qui n’ont plus rien à perdre si ce n’est leur propre vie, qui ne les préoccupe que peu.

La cerise sur le gâteau de ce roman haletant est la postface de l’auteur. Ray Celestin nous explique avoir voulu construire son roman de la même manière que l’enregistrement de « West End Blues ». Le jazz fait littéralement corps avec la plume. L’autre bonne surprise, est de retrouver d’ici peu ses personnages dans le New York des années 50. Nous aurons à faire à une histoire complète, dont chaque partie est narrée dans une décennie, dans une ville et une saison différente. J’aime l’idée, qui me séduit. Et il me tarde d’affronter les frimats de l’automne new-yorkais.

Vous l’aurez compris, si ce n’est déjà fait, courez acheter Mascarade (et Carnaval) de Ray Celestin et mettez les dans votre valise estivale. Coup de cœur et dépaysement garantis.

Bonne lecture à vous !

Mascarade de Ray Celestin est disponible aux éditions 10/18 Grands Détectives.

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